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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 00:00

J'ai eu l'occasion il y a quelques semaines d'évoquer le dernier roman de Nicolas Michel, Corsika, une vraie bonne surprise, et un auteur qui m'était jusque-là inconnu ; raison de plus pour lui poser quelques questions...



Avant d’écrire des polars, vous avez publié trois romans chez Gallimard, dans la collection « blanche ». Comment êtes-vous passé au « noir » ?

Je ne pense pas pouvoir dire que je suis « passé au noir » : mon premier roman chez Gallimard, Un revenant, était beaucoup plus sombre que Naevi ou Corsika. Et s’il n’y avait pas de commissaire, il y avait néanmoins une intrigue entièrement construite dans la perspective d’une révélation finale. Seule la couverture était blanche ! De même pour Le Dernier voyage d’Emilie. En réalité, ce que je cherche à provoquer chez le lecteur, c’est un désir fort de « savoir la suite ». Peu importe la forme, polar ou roman « classique ». Mais pour répondre plus précisément à la question, je me souviens que l’intrigue de Naevi, mon premier polar, s’est imposée un jour où je cogitais dans une chambre d’hôtel, au cours de je ne sais plus quel voyage à l’étranger. Ce n’était pas une intention réfléchie de ma part. Seulement une histoire qui était soudain là et prenait la forme d’une enquête policière.

 

Sur le blog polar du journaliste Philippe Lemaire (Planète Polars), il est dit que Naevi serait une sorte de pastiche de polar. Corsika marque donc votre véritable entrée dans le genre ?

Naevi relève en effet un peu de la parodie – sans pour autant être une caricature. L’intrigue reste, je crois, crédible. Cela dit, pour être tout à fait honnête, je me suis beaucoup plus pris au jeu du polar avec Corsika, sans doute parce que les problématiques abordées sont plus actuelles et plus politiques (le colonialisme, le racisme, le grand banditisme, la Françafrique…). Sans doute aussi parce que j’y aborde un sujet que je n’avais cessé de contourner jusque là : l’Afrique.

 

Vous êtes journaliste à Jeune Afrique ; quelles sont vos prérogatives, votre champ d’action au sein de cette revue ?

J’écris principalement sur les trois pays d’Afrique que je connais un peu pour y avoir séjourné : l’Ouganda, le Kenya et l’Ethiopie. Mais aussi sur des sujets culturels liés à l’Afrique (littérature, arts plastiques…).

 

Vous connaissez bien ce continent, ce qui ressort particulièrement dans Corsika. Le lieu de l’action – l’Ouganda –, et l’intrigue qui tourne autour d’un trafic lié aux médicaments sont-ils directement inspirés de votre expérience professionnelle ?

Oui et non. J’ai habité en Ouganda pendant un peu plus d’un an, quand je faisais mon service civil comme coopérant au sein de l’Alliance Française de Kampala. C’est à ce moment que j’ai découvert l’Afrique. En rentrant en France, en 2001, j’ai commencé à travailler pour l’hebdomadaire Jeune Afrique et j’ai découvert une autre réalité africaine, plus politique. Ensuite, ma curiosité m’a poussé à creuser d’autres sujets liés au Continent noir – et que je n’aborde habituellement pas en tant que journaliste. La manière dont la France reste liée à ses anciennes colonies et la façon dont certaines anciennes colonies gardent contact avec la France m’intéresse particulièrement. L’Ouganda, bien entendu, était un protectorat britannique…

 

Votre roman, sur fond de Françafrique, dénonce aussi la corruption des régimes africains, l’implication du pouvoir politique français aussi, les trafics internationaux, le rôle obscur d’intermédiaires, sortes de néo-mercenaires ayant abandonné le treillis pour le costume trois-pièces…

Un tueur en série qui assassine huit jeunes femmes est vite considéré comme le pire monstre que l’on puisse imaginer. Un responsable politique qui s’achète un Hummer et se fait construire un palais climatisé alors que la plupart de ses concitoyens n’ont pas accès à l’eau potable est reçu avec tous les honneurs, tapis rouge, champagne, foie gras. Combien de victimes du choléra ? C’est plus que huit, franchement ! Et les corrompus ne valent pas mieux que les corrupteurs.

 

Le fait d’écrire un roman vous donne une certaine liberté dans la manière d’aborder ces thèmes. C’est une façon de dire et de dénoncer des choses que vous ne pouvez vous permettre dans un article de journal ?

Exactement.

 

On comprend aussi au fil du roman que la ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé, comme on dit, ou avec des personnages réels (un dénommé « Pasqualini » ! fait une courte apparition dans votre roman…) n’est pas fortuite...

A vrai dire, personne ne croirait au roman que l’on écrirait en utilisant l’Affaire Elf ou l’Angolagate ! C’est tellement gros ! Pour être crédible, la fiction doit sans cesse minorer la réalité.

 

On trouve aussi dans Corsika de très belles pages sur l’Afrique, ses gens, ses rues, ses odeurs… Un continent qui semble plein d’énergie et de sensualité…

C’était très important pour moi de rendre hommage à l’Ouganda et aux Ougandais, à l’inventivité, la culture, la richesse de ces femmes et de ces hommes qui m’ont beaucoup appris. Quand un président ose dire que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », quand un réalisateur ose proposer à des milliers de gens un film bourré de contrevérités débiles sur un pays (Le cauchemar de Darwin, pour ne pas le nommer), et quand dans leur ensemble les médias ne veulent voir de l’Afrique que des « tribus au rites ancestraux » ou des massacres interethniques, ça donne envie de montrer autre chose. L’énergie vitale, la beauté… Sans bien sûr occulter une réalité parfois sordide.

 

Une chose qui m’a bien plu à la lecture de Corsika, c’est la construction du récit, avec cette alternance de points de vue et puis aussi cette entrée en matière africaine, qui démarre sur les chapeaux de roue si on peut dire…

Merci. Il y a une question, là ? Le premier chapitre est fondamental. J’ai eu du mal à l’aborder parce qu’une question me taraudait : puis-je me mettre dans la peau d’un Ougandais alors que je n’ai pas sa culture et que je suis un muzungu blanc comme un cachet d’aspirine ? J’ai trouvé la réponse, ce n’était pas si compliqué : un être humain est un être humain !

 

Dernière question : avez-vous un autre roman en préparation ? Plutôt « noir » ou « blanc » ?

Je viens d’en terminer un. Il est plutôt blanc, mais avec un ornithologue qui est un peu un enquêteur… A vrai dire, la distinction roman noir – roman blanc est à mon avis dépassée depuis longtemps, sauf du point de vue marketing… Je ne réfléchis qu’en termes d’histoires à raconter. Vous croyez qu’il faut choisir un camp ?


[Choisir un camp ? Mmmh, non... Mais la littérature policière a quand même des caractéristiques propres, non ?] 

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commentaires

A
Tu me donnes envie d'aller regarder du coté de cet auteur
Répondre
J
<br /> Oui, ce n'est pas le polar de l'année mais ça vaut le coup ! Tu me diras ce que t'en penses...<br /> <br /> <br />

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