Pascal Garnier. Voilà un écrivain qui trace son p'tit bout de chemin sans faire (assez) de bruit, quand tant d'autres qui n'ont pas un dixième de son talent voient sur leur passage sonner clairons et trompettes médiatiques. Bref...
"De chaque côté, les maisonnettes se dupliquaient comme autant de petits monuments funéraires chic et toc qui pouvaient faire craindre une certaine monotonie dans la traversée de l'éternité."
Les Conviviales. Une résidence fraichement sortie de terre dans le sud de la France, pour seniors avides de soleil et de tranquillité. Clôturée et sécurisée, avec gardien-cerbère et secrétaire-animatrice en prime.
Les premiers colons arrivent. Martial et Odette, Maxime et Marlène, bientôt suivis de Léa. On sympathise, on organise des apéros-dinatoires, on visite les églises du coin... On s'accommode des petits défauts des uns et des autres. A peine quelques accrocs.
Et pourtant on ressent un vague malaise, on voit poindre le danger, encore diffus. L'isolement commence à se faire sentir, relayé par l'ennui. Troubles obsessionnels, blessures secrètes, secrets douloureux éclatent à la surface, premiers signes de l'éruption qui ne saurait tarder.
Quand un camp de gitans vient s'installer un peu plus loin, focalisant les peurs et la paranoïa des résidents, on se rapproche encore un peu plus du cratère...
Lune captive dans un oeil mort confirme encore une fois - avec éclat, pourrait-on dire... - le talent et l'originalité de Pascal Garnier qui, roman après roman, construit une oeuvre singulière, aux frontières du roman noir, avec cette poésie et cette économie de moyens qui en font un des grands stylistes français.
En quelques traits épurés, il dépeint avec finesse ses contemporains, à la fois touchants, solitaires, ridicules. Et autodestructeurs.
Et s'il ne s'y passe finalement pas grand-chose sur cette petite Lune captive, on a pourtant du mal à l'oublier. Un de ces livres qui nous habitent bien plus longtemps que le temps qu'on a mis pour les lire. C'est un signe, non ?
Lune captive dans un oeil mort / Pascal Garnier (Zulma, 2009)