J'étais plutôt... circonspect en ouvrant ce roman.
Si les polars de William Lashner soulèvent un certain enthousiasme sur quelques sites et forums, je n'étais pas vraiment emballé ni par le titre - "ce soir sur M6..." - ni par la couverture, affiche de pub genre "Le nouveau gloss Trucmuche : la sensualité à fleurs de lèvres". On allait bien voir...
Auteur d'une série consacrée à l'avocat Victor Carl, et ancien avocat lui-même, Lashner connait son droit sur le bout des doigts et maitrise parfaitement les arcanes de l'institution judiciaire. Mais il a le bon goût de ne pas nous abreuver de détails et de procédures juridiques ; d'ailleurs, à aucun moment du récit vous ne passerez à la barre, l'avocat se muant plutôt en enquêteur afin de demêler les fils de l'intrigue en même temps que les noeuds de sa propre existence erratique.
"Bon, très bien, voilà où on en était. Il y avait le toubib en viande froide. Il y avait le flic qui pensait que je l'avais flingué. Il y avait l'avocat servile aux expressions de lycéen "tueur de masse" qui me menaçait de conséquences désagréables. Il y avait le gangster russe flanqué de son acolyte espagnol (...). Il y avait un vieux copain d'école du mort nommé Miles Cave, qui était aux abonnés absents, mais qui pourtant paraissait être au centre de toute cette histoire. Et il y avait cette fille qui était soit la clé de mon avenir, soit une meurtrière impitoyable qui essayait de toutes ses forces de me faire porter le chapeau."
Cette fille, Julia, c'est l'ancien amour de Victor, la blessure qui ne s'est jamais refermée, la traîtresse qui l'a quitté pour un... urologue.
Alors quand elle le recontacte, il voit déjà "rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux". Quand la raison lui souffle que ce n'est peut-être pas une bonne idée de coucher avec son ex-maîtresse, et que les volcans, c'est dangereux.
Et quand, juste après avoir "fêté vos retrouvailles", deux flics débarquent chez vous pour vous annoncer que le mari de votre dulcinée vient d'être assassiné, vous commencez à vous demander dans quel pétrin vous vous êtes fourré...
Je dois dire qu'au bout de quelques pages, mes appréhensions se sont vite évanouies, pour laisser place à un réel plaisir de lecture, grâce à la jolie plume de l'auteur : son ton caustique, son style alerte, drôle et imagé font mouche, à chaque coup ou presque.
On suit avec amusement les péripéties et les déboires amoureux du pauvre Victor, un personnage auquel on s'attache rapidement, conquis par son humour, son doux cynisme et son sens de la répartie, indulgent pour ses petites lâchetés, touché par sa sensibilité.
Ajoutez à cela une intrigue solide, des personnages bien campés - et notamment une belle brochette d'affreux -, et vous obtenez un baiser fort agréable, à défaut d'être inoubliable.
Le Baiser du tueur, septième roman de la série, est peut-être aussi un baiser d'adieu, ou un long au-revoir en tout cas, puisque William Lashner nous dit dans sa postface : "Victor et moi avons décidé de nous séparer quelques temps (...). Avant que nous nous enlisions dans la routine, nous avons pensé tous les deux qu'il valait mieux commencer à fréquenter d'autres personnes."
Il a peut-être raison, car si cet épisode m'a bien plu, je me demande s'il est aussi bon que les précédents. Je n'en ai lu aucun, mais à lire la critique dithyrambique des Prévaricateurs par exemple, celui-ci semble être en ton en-dessous. Peut-être les fans de Lashner iront-ils dans ce sens ?
En attendant, ce polar m'a donné envie de revenir en arrière dans la biographie de ce sympathique Victor Carl.
Le Baiser du tueur / William Lashner (A Killer's Kiss, trad. de l'américain par Nordine Haddad. Ed. du Rocher, 2009)