21 octobre 2009
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La Tengo éditions, jeune maison d'édition, a lançé l'année dernière la série "Mona Cabriole". 20 titres sont prévus - un par arrondissement -, par 20 auteurs différents, chargés de balader l'héroïne dans différents quartiers parisiens et de donner à leur texte une dimension rock 'n roll.
Après Laurence Biberfeld et Marin Ledun notamment, c'est donc au tour d'Antoine Chainas de s'y coller, en arpentant le bitume du 12ème arrondissement.
Mona Cabriole bosse à Parisnews, rubrique chiens écrasés et macchabées. Quand son contact à l'institut médico-légal la prévient que le corps - sans tête - d'une star du rock underground s'est invité chez lui, Mona s'y précipite pour découvrir qu'il a entretemps disparu. Faut dire que les morguistes sont en grève, ceci explique peut-être cela.
Ne sachant rien de l'idole, et après avoir écumé sans succès internet et les librairies, Mona fait une étrange rencontre avec un bouquiniste qui lui refile un petit livret contenant le journal - et les fantasmes troubles - du chanteur.
Toujours partante pour un scoop, Mona, le livre en main et le coeur transi dans celle du beau bouquiniste, dérive alors vers de bien étranges territoires, où règne notamment l'inquiétant révérend Aidês, un gourou qui fait, disons, dans l'événementiel trash, en organisant par exemple des soirées dans des souterrains parisiens ou des entrepôts isolés, agrémentées de jeux pervers qui feraient passer une messe noire ou un congrès du Medef pour de charmants enfantillages.
Derrière cette histoire d'illusion et de faux-semblant, on s'attend naturellement à un roman un tant soit peu calibré, cahier des charges de l'éditeur oblige. Il n'en est rien, ou presque ! Dans une ambiance fin de monde et à travers une prose syncopée, Chainas s'en donne à coeur joie, nullement réfréné par les figures imposées de la série.
On retrouve ses thèmes de prédilection, ses obsessions habituelles, qui tournent autour de la mort, de la décrépitude des corps, des déviances, du consumérisme et de la déshumanisation de nos sociétés.
Le tout est mixé, remixé, et recraché pour donner une véritable vision de cauchemar qui suscite immanquablement le malaise. Et c'est là d'ailleurs que j'émets quelques réserves concernant les romans d'Antoine Chainas, qui a tendance à mélanger un peu artificiellement et ramener sur le même plan des choses très différentes, et à céder parfois aux effets de style. Cela produit certes son effet - durable ? -, mais empiler des couches de crasse et des mots les uns au-dessus des autres ne crée pas forcément du relief.
Toujours est-il que je conseillerais plutôt cet opus aux amateurs (avertis, donc) de l'écrivain, et suggérerais aux autres de commencer d'abord par ses romans parus à la Série Noire ; à moins bien-sûr qu'ils préfèrent écouter directement la face B.
Tiens, une question pour finir, à propos des auteurs qui vont prendre la suite : comment vont-ils se débrouiller avec Mona Cabriole maintenant, vu l'état dans lequel l'a laissée Chainas ?! Va t-elle reprendre son petit bout de chemin comme si de rien n'était ? Ou un auteur soucieux de vraisemblance va-t-il la faire passer par la case "hôpital psychiatrique" ?!
Vous pouvez lire le premier chapitre ici.
Six pieds sous les vivants / Antoine Chainas (La Tengo éditions, 2009)

Mona Cabriole bosse à Parisnews, rubrique chiens écrasés et macchabées. Quand son contact à l'institut médico-légal la prévient que le corps - sans tête - d'une star du rock underground s'est invité chez lui, Mona s'y précipite pour découvrir qu'il a entretemps disparu. Faut dire que les morguistes sont en grève, ceci explique peut-être cela.
Ne sachant rien de l'idole, et après avoir écumé sans succès internet et les librairies, Mona fait une étrange rencontre avec un bouquiniste qui lui refile un petit livret contenant le journal - et les fantasmes troubles - du chanteur.
Toujours partante pour un scoop, Mona, le livre en main et le coeur transi dans celle du beau bouquiniste, dérive alors vers de bien étranges territoires, où règne notamment l'inquiétant révérend Aidês, un gourou qui fait, disons, dans l'événementiel trash, en organisant par exemple des soirées dans des souterrains parisiens ou des entrepôts isolés, agrémentées de jeux pervers qui feraient passer une messe noire ou un congrès du Medef pour de charmants enfantillages.
Derrière cette histoire d'illusion et de faux-semblant, on s'attend naturellement à un roman un tant soit peu calibré, cahier des charges de l'éditeur oblige. Il n'en est rien, ou presque ! Dans une ambiance fin de monde et à travers une prose syncopée, Chainas s'en donne à coeur joie, nullement réfréné par les figures imposées de la série.
On retrouve ses thèmes de prédilection, ses obsessions habituelles, qui tournent autour de la mort, de la décrépitude des corps, des déviances, du consumérisme et de la déshumanisation de nos sociétés.
Le tout est mixé, remixé, et recraché pour donner une véritable vision de cauchemar qui suscite immanquablement le malaise. Et c'est là d'ailleurs que j'émets quelques réserves concernant les romans d'Antoine Chainas, qui a tendance à mélanger un peu artificiellement et ramener sur le même plan des choses très différentes, et à céder parfois aux effets de style. Cela produit certes son effet - durable ? -, mais empiler des couches de crasse et des mots les uns au-dessus des autres ne crée pas forcément du relief.
Toujours est-il que je conseillerais plutôt cet opus aux amateurs (avertis, donc) de l'écrivain, et suggérerais aux autres de commencer d'abord par ses romans parus à la Série Noire ; à moins bien-sûr qu'ils préfèrent écouter directement la face B.
Tiens, une question pour finir, à propos des auteurs qui vont prendre la suite : comment vont-ils se débrouiller avec Mona Cabriole maintenant, vu l'état dans lequel l'a laissée Chainas ?! Va t-elle reprendre son petit bout de chemin comme si de rien n'était ? Ou un auteur soucieux de vraisemblance va-t-il la faire passer par la case "hôpital psychiatrique" ?!
Vous pouvez lire le premier chapitre ici.
Six pieds sous les vivants / Antoine Chainas (La Tengo éditions, 2009)