On ne sait pas grand-chose de Jean-Paul Demure. Né en 1941 à Clermond-Ferrand, a exercé quantité de métiers (jardinier, VRP, facteur, vendeur de bibles !..., des boulots qu'il refile ensuite à ses personnages), écrit une demi-douzaine de romans (Aix abrupto reçoit le Grand Prix de littérature policière en 1987), quelques nouvelles et des scénarios pour la télévision.
Son premier roman, paru en 1982 - Razzia sur la paroisse, tout un programme... -, mettait en scène trois copains - Jean-Mi, Fernand, Marcel -, bande de braves bandits amateurs un peu branques sur les bords, préparant le cambriolage d'un trafiquant de drogue. Presque 30 ans plus tard, l'auteur a décidé de reformer le groupe.
Toujours en train de tirer le diable par la queue, nos garçons, comme Jean-Mi, 26 piges déjà, le cul dans le canapé à longueur de journée et le regard désespéré de sa mère.
Il a peut-être trouvé tout seul, le Jean-Mi : une annonce dans le journal, particulier cherche jardinier. Ni une ni deux, son pote Fernand lui fabrique un faux diplôme, Marcel lui refile sa mob', et c'est parti direction La Vigie, près d'Aix, un immense domaine où l'attendent des parcs en friche, une meute de chiens féroces et un tyran.
Sitôt engagé (Girkas, le patron, n'y a vu que du feu), Jean-Mi se met au boulot, entre deux engueulades. Le bonhomme est dans les affaires. On peut même dire qu'il y trempe : fournit la Marine et l'Arsenal de Toulon en matériel militaire. Ça pue à plein nez, et l'odeur a attiré l'attention des services de renseignement. Enfin... disons l'un d'entre eux, un zigoto étourdi et vaguement pitoyable mis au placard après une énième bourde.
Plus ça va, plus Jean-Mi en a ma claque de cet esclavagiste de Girkas. Ce qui lui faudrait, c'est suffisament d'argent pour monter sa propre boîte - c'est qu'il y a pris goût à la binette et au sécateur entretemps. Comme ça, il pourrait peut-être aussi reconquérir Isabelle... A force de semer, une idée se met à germer dans son esprit : kidnapper ce salaud de Girkas et se faire payer la rançon. Fernand marche, Marcel trépigne avant de céder (comme toujours), et voilà les trois compères en train de mûrir soigneusement leur plan.
Evidemment, ça dérape, "et tout bascule dans le tragique si ridicule qu'on ne sait pas par quel bout le prendre".
Situations rocambolesques et personnages croquignolesques sont dépeints avec un mélange désopilant de tendresse et de vacherie habilement distribuées.
Mais ne nous-y trompons pas : la farce est mordante, et derrière la légèreté du ton, l'auteur ne se prive pas de balancer quelques pavés dans la mare productiviste de notre belle société, le temps aussi de faire la nique aux puissants et aux arrogants de tous poils.
On lit le bouquin sourire aux lèvres et on le termine avec un air de ravi de la crèche. Au tarif poche, c'est vraiment pas cher payé.
Une chose est sûre : Jean-Paul Demure gagne à être connu, comme on dit. Pour ma part, je vais rapidement m'y atteler.
Cher payé / Jean-Paul Demure (Rivages/Noir, 2010)