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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 00:00

Récit allégorique d'une société islandaise déshumanisée érigeant les banquiers ou les artistes décadents en nouveaux prophètes, transformant tout - et en premier lieu le corps féminin - en bien de consommation courante, Installation est un roman pour le moins atypique.


BragiEva Einarsdottir, récemment rentrée en Islande à la suite d'une déception amoureuse, se fait prêter un appartement par une vague connaissance new-yorkaise. L'appartement, situé en haut d'une tour, est immense, luxueux et doté d'un système de surveillance high-tech. Dans la chambre, un mystérieux masque est creusé dans l'un des murs. Dans l'immeuble, des voisins bizarres ou envahissants.

L'endroit la met tout de suite mal à l'aise. Froid, impersonnel, oppressant -  "...mobilier noir, gris et blanc, en cuir, verre, métal, les surfaces lisses et brillantes - comme s'il avait été donné depuis le début que la taille de l'appartement excluait qu'il fut possible de le rendre humain." Impression diffuse mais tenace de jouer le personnage principal d'un film d'horreur, "un personnage de plus en plus confus et effrayé devant des circonstances qu'elle ne comprenait pas".
Le danger se précise subitement : l'ascenseur ne répond plus, impossible de sortir. le téléphone sonne. Sois sage, obéis aux ordres ou tu seras punie. Ils la séquestrent, ils la surveillent, ils jouent avec elle. Jusqu'où ?



Au-delà de la mécanique du huis-clos et du suspense attenant, c'est l'aliénation d'une société qui est mise en perspective ici (de façon quasi-métaphysique, symbolique en tout cas - le "masque" en est le meilleur exemple ), à travers le personnage d'Eva, retenue prisonnière dans l'appartement comme à l'intérieur d'elle-même, les murs matérialisant au final sa propre solitude ("Einar" signifie "seul" en islandais), sa dépendance amoureuse, son immobilisme, ses vélléités artistiques (ironiquement, elle est victime d'un happening pervers), bref la somme de ses angoisses et de ses échecs.


Ça commençe comme du Hitchcock, ça finit comme du David Lynch...
Tout au long de la première partie, la tension monte graduellement et s'accumule, inspirant au lecteur ce même "sentiment de claustration" qui étreint la jeune femme. A partir du moment où le piège se referme sur elle, que les événements s'accélèrent et que la violence se déchaîne, le roman prend des accents oniriques, devient de plus en plus abstrait - et même abscons -, jusqu'au dénouement un brin fantasmagorique qui m'a laissé perplexe, pour ma part. Avis aux amateurs, mais la transition est pour le moins déroutante.


Moins déroutante
 toutefois que les tournures grammaticales suspectes qui égrènent le texte (la faute à la traduction ? Des accords de temps douteux me le laissent penser, mais je peux me tromper), ou une prose parfois empesée (surtout dans la seconde partie) qui se marie mal avec l'atmosphère éthérée du récit.




Captivé - par sa façon de superposer différents niveaux de lecture, de manier les symboles, par l'écho qu'il renvoie suite à la crise financière qu'a connu l'Islande -, agaçé par la syntaxe approximative, déconcerté par le changement de registre... Ce premier roman (traduit en France) de Steinar Bragi me laisse des sentiments contradictoires. Trop ésotérique pour moi, mais là c'est affaire de goût.

Une chose est sûre : il se situe se situe loin, très loin des polars plus ou moins stéréotypés que charrie la vague nordique.


Installation / Steinar Bragi (Konur, 2008, trad. de l'islandais par Henry Kiljan Albansson, Métailié, Noir, 2011)

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commentaires

D
<br /> Bonjour jeanjean, je viens de l'acheter d'occasion après avoir lu la 4ème de couv. C'est un roman qui m'intrigue et qui semble en effet très différents des romans nordiques dont on est inondé<br /> depuis quelque temps. Je pense le lire très bientôt et ton billet m'intrigue car je n'aime pas trop l'ésotérique mais je verrai bien. Bonne après-midi.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> salut Dasola,<br /> intrigant mais... incomplet. Dernièrement j'ai lu quelque part qu'il manquerait 3 chapitres par rapport à la version originale. Un bug de l'éditeur, qui s'ajoute à<br /> la traduction pour le moins approximative, à mon sens. Enfin tu me donneras ton sentiment. Bonne soirée à toi.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> pour une fois je lis les commentaires avant de faire le mien..j'ai beaucoup de mal avec la litterature /polar nordique...au vu de ton billet ,tres tentateur,je me suis dit "pourquoi pas? " le theme<br /> m'interpelle..mais en lisant les commentaires le doute s'installe...A noter en tout cas au cas où je n'aurais rien à lire d'autre..<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Comme je dis, il ne ressemble pas à ce qu'on peut lire actuellement dans le polar nordique, mais... ça ne veut pas dire que ce soit forcément bon ! A toi de te faire<br /> une idée.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Deux de mes collègues l'ont lu : une a adoré. L'autre a eu énormément de mal, a trouva ça mal écrit/traduit et n'a rien compris !<br /> Sentiments contradictoires donc...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> ça ne m'étonne pas. Reste à savoir lequel est chargé des polars...<br /> ^^<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Malgré les hésitation et les réserves quant à la syntaxe, pour ma part je tenterai l'expérience car c'est le genre de scénario que j'aime bien.On verra si je fais bonne pioche!<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Curieux de lire d'autres avis sur ce bouquin, je surveillerai ça.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Du coup, j'hésite un peu<br /> je l'avais réservé pour achat au salon du livre...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Bon, t'as qu'à le voler, comme ça pas de regrets... ^^<br /> <br /> <br /> <br />

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