Publié dans la nouvelle collection Robert Pépin présente de Calmann-Levy (l'historique éditeur de Connelly ayant quitté Seuil Policiers), le premier roman du sud-africain Roger Smith nous convie à un chassé-croisé effréné dans les rues du Cap, mettant aux prises quatre hommes :
Jack Burn est un ancien soldat américain ayant fui les Etats-Unis avec femme et enfant après s'être laissé entraîné dans une vilaine affaire ; Benny Mongrel, ex-taulard et membre d'un gang, s'est juré de changer de vie et vivote comme gardien de chantier ; l'adipeux inspecteur Gatsby Barnard, pourri jusqu'à la mœlle, règne depuis des lustres sur les bas-quartiers des Flats ; tandis que Disaster Zondi, un super-flic venu de Johanesburg, a juré de le faire tomber.
Nous baladant d'un bout à l'autre du Cap, Roger Smith donne à voir une ville contrastée - entre affluence touristique et recrudescence des gangs -, s'attardant particulièrement sur la zone des "Flats", un gigantesque township s'étendant sur la plaine à l'est du Cap où se déploient une misère et une violence extrêmes.
Cependant la dimension sociétale et ethnique (discrètement introduite par la distribution des rôles : un yankee, un métis, un boer, un zoulou) demeure en arrière-plan, Roger Smith privilégiant l'action et la vitesse d'exécution. Situations et rebondissements s'enchaînent à vive allure tandis qu'on passe prestement d'un personnage à l'autre - la multifocalisation servant moins à offrir différents points de vue sur la nation arc-en-ciel qu'à imprimer un rythme ultra-rapide au récit.
Plutôt faible dans sa peinture de l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, malgré un effort louable, le roman vaut surtout par la quête improbable que mène chacun des protagonistes pour sa propre rédemption, que ce soit Barnard le fanatique mystique, Burns et ses errements passés, ou Mongrel qui aspire plus simplement à une forme de paix intérieure et finira par gravir la Montagne (celle de la Table).
Au final, Mélanges de sangs s'avère un polar bien ficelé et entraînant, heureusement dénué de bons sentiments et ne cédant pas au happy-end lénifiant. De là à considérer Roger Smith comme une nouvelle voix du polar sud-africain, il y a une marge : s'il maîtrise son sujet, il ne possède pas (encore) la hauteur de vue d'un Louis-Ferdinand Despreez, voire d'un Deon Meyer.
Mélanges de sangs / Roger Smith (Mixed Blood, 2009, trad. de l'anglais (Afrique du Sud) par Mireille Vignol. Calman-Levy, Robert Pépin présente..., 2011)