Chouette, un nouveau polar (des grands espaces) aux éditions Gallmeister !
Après le Maine en compagnie de William Tapply et le Montana avec Jim Tenuto (on peut rajouter le Nouveau-Mexique de Edward Abbey), nous voilà dans le Wyoming. Le guide se nomme Craig Johnson, lui-même propriétaire d'un ranch sur les contreforts des Bighorn Mountains. Le stetson qu'il arbore nonchalamment sur la quatrième de couverture abrite pêle-mêle un charpentier, un pêcheur professionnel, un officier de police, un cow-boy, un professeur et un romancier, donc (passer d'une salle de classe à l'enclos à bestiaux et se retrouver devant la page blanche... Les CV des écrivains américains m'ont toujours fasciné, pas vous ?).
Cette fois, le héros n'est pas un pêcheur à la mouche embringué malgré lui dans une affaire de meurtre : Walt Longmire déteste la pêche et c'est tout naturellement lui qu'on appelle quand il y a un problème, puisque... c'est lui le shérif !
Ce jour-là, la découverte du corps de Cody Pritchard bouscule la tranquillité du comté d'Absaroka, plus habitué aux troubles de voisinages et aux ivresses passagères sur la voie publique. Accident de chasse ou meurtre ? Walt pressent déjà le pire : trois ans plus tôt, Cody a participé à un viol collectif sur la jeune Melissa Little Bird. Les accusés, à l'époque, ont écopé d'une peine minime.
On a bientôt la réponse : c'est une balle tirée d'un fusil longue portée, à une distance d'environ 350m, qui a tué Pritchard... Or, seule une dizaine d'individus habitant le comté sont capables d'un tel tir. Parmi eux se trouve Henry Standing Bear, le meilleur ami de Walt et l'oncle de Melissa.
En bon charpentier, Craig Johnson a bâti une intrigue solide, s'appuyant des personnages aussi rudes qu'attachants (comme ce grand gaillard un peu empoté de Walt), des dialogues percutants et souvent drôles, et les paysages majestueux du Wyoming, qui, loin d'être un décor en trompe-l'œil, sous-tendent habilement le roman. L'auteur connait parfaitement cette région et l'évoque de belle façon, à tel point qu'on se surprend même, entre deux pages, à respirer la neige, la glace et les aubes fraîches.
L'auteur explore la culture et la spiritualité amérindiennes - le comté d'Absaroka jouxte une réserve d'indiens cheyennes - en flirtant parfois avec le mysticisme. De manière plus prosaïque, il évoque aussi leur vie quotidienne (pauvreté, problèmes d'alcoolisme mais aussi leur grande solidarité...) ainsi que leurs relations avec les blancs, qui se résument le plus souvent à une indifférence mutuelle.
Quant à Walt Longmire, il fait office de trait d'union entre ces deux mondes, ce qui permet d'avoir un double point de vue souvent pertinent. Espérons que l'auteur, dans les romans suivants, aille plus loin dans cette voie. On devrait être rapidement fixé, pour peu que l'éditeur poursuive les traductions : Little Bird est la première des aventures du shérif Longmire, quatre autres ayant déjà été publiées aux Etats-Unis.
Une fois de plus, Gallmeister réussit son pari et nous offre un très bon polar en même temps qu'une invitation au voyage.
Et puis, ce qui ne gâche rien, on a entre les mains un bel objet, agréable au toucher et à l'oeil, avec cette maquette toujours sobre et élégante. Il faut bien avouer que le soin apporté au livre rajoute au plaisir de lecture.
Little Bird / Craig Johnson (The Cold Dish, trad. de l'américain par Sophie Aslanides. Gallmeister, Noire, 2009)
PS : Craig Johnson sera présent à la librairie Le Comptoir des Mots (239 rue des Pyrénées, Paris XXe) le vendredi 29 mai à 20h ; ainsi qu'à St Malo, à l'occasion du Festival Etonnants voyageurs, du 30 mai au 02 juin prochain.