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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 11:11
La médiathèque de Magny le Hongre (Val d'Europe, 77), où travaille votre aimable serviteur, organise ce mois-ci des animations autour du thème Jazz & polar. Atelier d'écriture, exposition, rencontre...

Et notamment :
Vendredi 29 à 21h30, Bob Garcia sera de la partie pour un concert-lectures avec son groupe Harlem Nocturne. Spécialiste d'Hergé, auteur de polars, il tient aussi un blog sur le site de la radio TSF et a publié récemment Jazz et polar aux éditions Laurent Debarre.

Et puis, comment ne pas citer 
Marc Villard lorsqu'on pense à jazz et polar ?! J'aurai le plaisir de le recevoir samedi 30 à 16h, pour une rencontre qui promet d'être passionnante. Alors oubliez pour une fois les courses hebdomadaires, revendez dès maintenant votre place pour Roland-Garros ou faites un p'tit détour si vous avez prévu d'aller à Eurodisney (c'est tout près) et venez donc nous rendre visite à la médiathèque, dans un cadre verdoyant et champêtre (je sens que j'en fais trop là...) !




Pour situer la médiathèque, savoir comment vous y rendre, des informations pratiques ici.

En espérant vous voir nombreux !
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23 mai 2009 6 23 /05 /mai /2009 00:00

J'ai eu l'occasion de parler ici du précédent roman de Perissinotto, A mon juge, un "polar épistolaire" très réussi. Malheureusement, je ne peux pas en dire autant de cette petite histoire sordide qui me déçoit d'autant plus que cet auteur nous avait habitués à bien mieux.


Commençons par l'histoire, abracadabrantesque comme dirait l'autre : sur les conseils d'un ami, Benedetta Vitali, une riche bourgeoise milanaise, charge Anna Pavesi de retracer les derniers jours de sa demi-soeur, qu'elle n'a pas connue. Elle voudrait aussi retrouver son cadavre, pour le faire enterrer dans le caveau familial. Ah oui, j'ai oublié de vous dire : ce dernier a mystérieusement disparu entre la morgue et le cimetière. 

Anna n'est pas détective mais psychologique. Tant pis ! Elle accepte malgré tout, afin de renflouer son compte en banque.

Bon, certains auteurs tricotent avec talent des scénarios bien plus fantaisistes, mais ici ça ne marche pas. L'entrée en matière et la mise en place des différents éléments de l'intrigue est poussive et maladroite.
Le reste du récit, dénué de la moindre tension dramatique, est truffé d'invraisemblances et de raccourcis tout aussi improbables, derniers recours d'un auteur qui semble bien empêtré dans cette histoire à dormir debout.

Et que dire de l'héroïne-narratrice, Anna Pavesi ? Récemment séparée, elle promulgue à son chat la tendresse qu'elle ne peut plus témoigner à son ex. C'est tout ? Non, mais son auto-analyse perpétuelle, son auto-apitoiement chronique et ses errements amoureux m'ont profondément ennuyé, d'autant plus qu'ils n'apportent rien au récit et ne parviennent même pas à donner un semblant d'épaisseur au personnage. Un personnage qu'on pourrait bien retrouver, comme le laisse entendre l'auteur à la fin du roman. Bon...

Les apparences même ne sont pas sauvées : la prose plutôt plaisante d'A mon juge s'est transformée ici en une espèce de bavardage pontifiant et laborieux, rythmé par une profusion de points d'exclamations (on dirait du mauvais théâtre) et de considérations oiseuses.

J'attendais un ristretto bien corsé, j'ai avalé - de travers - de l'instantané. Insipide et instantanément oublié.


Une petite histoire sordide / Alessandro Perissinotto (Una piccola storia ignobile, trad. de l'italien par Patrick Vighetti. Gallimard, Série Noire, 2009)
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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 00:00
En bon gaulois, breton qui plus est, je pratique volontiers le sport national un tantinet puéril qui consiste à se moquer des anglais, nos meilleurs ennemis. Je me réjouis quand leur Quinze de la Rose se fait piétiner et tourne en dérision leur dévotion pour la Reine, alors que la nôtre a perdu la tête depuis un bon moment...
Mais il y a au moins un anglais que j'aime !, et il s'appelle John Harvey. Dire qu'il excelle dans le roman de procédure policière serait réducteur. Il est simplement l'un des plus remarquables auteurs de polars de ces dernières années.


Après les cycles consacrés à l'inspecteur-mélomane Resnick et à l'inspecteur-ermite Elder, voici de nouveaux personnages, flics eux aussi : Will Grayson et Helen Walker, de la brigade criminelle de Cambridge, enquêtent sur l'assassinat d'un jeune universitaire homosexuel. 

La sauvagerie du meurtre - Stephen Bryan a été battu à mort - les oriente plutôt vers un crime homophobe, et les soupçons se portent immédiatement sur l'ex-petit ami de la victime. Piste peu probante au vu des premiers interrogatoires et de l'absence d'indices. A moins que la victime ait dragué la mauvaise personne...
Mais dans ce cas, comment expliquer le vol de son ordinateur ? Stephen était en train d'écrire la biographie de Stella Leonard, une star de cinéma des années 50 décédée dans un accident de voiture. Or, la famille de l'actrice voyait d'un très mauvais oeil ses recherches. Au point de le tuer ? C'est la question que se pose les inspecteurs ainsi que Lesley, la soeur journaliste de Stephen.


Nous retrouvons dans ce roman la marque de fabrique de Harvey : une intrigue cousu main et un récit qui entremêle plusieurs fils narratifs, et dont la progression est, comme toujours, un modèle de maîtrise et de souplesse.

Bien entendu, l'auteur ne se contente pas de monter une belle mécanique policière. Il sonde aussi la société britannique et la façon dont elle se désagrège par endroits. En filigrane et en finesse, au détour d'un paragraphe ou même d'une phrase, il dénonce l'information-spectacle, la rapacité des promoteurs immobiliers, la corruption devenue monnaie courante, les dégâts sociaux post-thatchériens dans les anciennes régions minières. Et que penser de la paranoïa post-attentat qui saisit les gens quand, dans un train, un pakistanais laisse son sac sur le siège pour aller aux toilettes... ? 

On retrouve aussi dans Traquer les ombres cet équilibre subtil entre l'intrigue policière proprement dite et la vie privée des personnages, qui permet à l'auteur d'évoquer, toujours avec empathie et une grande acuité, les faiblesses et les motivations humaines, à travers la vie d'un couple, un sentiment amoureux, l'angoisse de la solitude la quarantaine approchant...


Harvey façonne ses romans comme le jardinier un gazon anglais : c'est propre, soigné, méticuleux. Des esprits chagrins pourraient lui reprocher de ne pas se renouveler, mais quelle importance pourvu qu'il écrive aussi bien !

Et à chaque fois, je suis épaté par la finesse de son propos, la fluidité de la narration, l'élégance simple de sa prose. Voilà du John Harvey pur jus, du "classique" sans le convenu.


Traquer les ombres / John Harvey (Gone to ground, trad. de l'anglais par Mathilde Martin. Rivages/Thriller, 2009)
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12 mai 2009 2 12 /05 /mai /2009 00:00

Chouette, un nouveau polar (des grands espaces) aux éditions Gallmeister ! 
Après le Maine en compagnie de William Tapply et le Montana avec Jim Tenuto (on peut rajouter le Nouveau-Mexique de Edward Abbey), nous voilà dans le Wyoming. Le guide se nomme Craig Johnson, lui-même propriétaire d'un ranch sur les contreforts des Bighorn Mountains. Le stetson qu'il arbore nonchalamment sur la quatrième de couverture abrite pêle-mêle un charpentier, un pêcheur professionnel, un officier de police, un cow-boy, un professeur et un romancier, donc (passer d'une salle de classe à l'enclos à bestiaux et se retrouver devant la page blanche... Les CV des écrivains américains m'ont toujours fasciné, pas vous ?).


Cette fois, le héros n'est pas un pêcheur à la mouche embringué malgré lui dans une affaire de meurtre : Walt Longmire déteste la pêche et c'est tout naturellement lui qu'on appelle quand il y a un problème, puisque... c'est lui le shérif !

Ce jour-là, la découverte du 
corps de Cody Pritchard bouscule la tranquillité du comté d'Absaroka, plus habitué aux troubles de voisinages et aux ivresses passagères sur la voie publique. Accident de chasse ou meurtre ? Walt pressent déjà le pire : trois ans plus tôt, Cody a participé à un viol collectif sur la jeune Melissa Little Bird. Les accusés, à l'époque, ont écopé d'une peine minime.

On a bientôt la réponse : c'est une balle tirée d'un fusil longue portée, à une distance d'environ 350m, qui a tué Pritchard... Or, seule une dizaine d'individus habitant le comté sont capables d'un tel tir. Parmi eux se trouve Henry Standing Bear, le meilleur ami de Walt et l'oncle de Melissa.


En bon charpentier, Craig Johnson a bâti une intrigue solide, s'appuyant des personnages aussi rudes qu'attachants (comme ce grand gaillard un peu empoté de Walt), des dialogues percutants et souvent drôles, et les paysages majestueux du Wyoming, qui, loin d'être un décor en trompe-l'œil, sous-tendent habilement le roman. L'auteur connait parfaitement cette région et l'évoque de belle façon, à tel point qu'on se surprend même, entre deux pages, à respirer la neige, la glace et les aubes fraîches.

L'auteur explore la culture et la spiritualité amérindiennes - le comté d'Absaroka jouxte une réserve d'indiens cheyennes - en flirtant parfois avec le mysticisme. De manière plus prosaïque, il évoque aussi leur vie quotidienne (pauvreté, problèmes d'alcoolisme mais aussi leur grande solidarité...) ainsi que leurs relations avec les blancs, qui se résument le plus souvent à une indifférence mutuelle.
Quant à Walt Longmire, il fait office de trait d'union entre ces deux mondes, ce qui permet d'avoir un double point de vue souvent pertinent. Espérons que l'auteur, dans les romans suivants, aille plus loin dans cette voie. On devrait être rapidement fixé, pour peu que l'éditeur poursuive les traductions : Little Bird est la première des aventures du shérif Longmire, quatre autres ayant déjà été publiées aux Etats-Unis.


Une fois de plus, Gallmeister réussit son pari et nous offre un très bon polar en même temps qu'une invitation au voyage.
Et puis, ce qui ne gâche rien, on a entre les mains un bel objet, agréable au toucher et à l'oeil, avec cette  maquette toujours sobre et élégante. Il faut bien avouer que le soin apporté au livre rajoute au plaisir de lecture.
 

Little Bird / Craig Johnson (The Cold Dish, trad. de l'américain par Sophie Aslanides. Gallmeister, Noire, 2009)

PS : Craig Johnson sera présent à la librairie Le Comptoir des Mots (239 rue des Pyrénées, Paris XXe) le vendredi 29 mai à 20h ; ainsi qu'à St Malo, à l'occasion du Festival Etonnants voyageurs, du 30 mai au 02 juin prochain.

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8 mai 2009 5 08 /05 /mai /2009 00:00

On en apprend tous les jours. Je connaissais de nom les éditions L'Atinoir (auparavant une collection chez L'Ecailler), mais n'avais pas encore lu les romans de cette nouvelle maison d'édition spécialisée dans le polar latino-américain ("latine noire") et dont le conseiller éditorial est un certain... Paco Ignacio Taibo II. C'est chose faite avec ce Boléro noir du cubain Lorenzo Lunar - je remercie au passage JM Laherrère et Sébastien Rutès (un des auteurs de la maison dont je parlerai bientôt) qui m'en ont donné l'occasion.

Nous ne sommes ni à Santiago de Cuba ni à La Havane, mais à Santa Clara, un quartier populaire en périphérie d'une ville de province. Là vivent prostituées, petits délinquants, voleurs, et Léo Martín, chef du bureau de police local. Et comme il dit :

"Le quartier est un monstre, comme dit mon pote el Puchy.
Le quartier, il te réduit en purée, il te bringueballe, t'éduque, te pousse, te traîne, te relève, te jette à pierre et te piétine.
Il fait de toi un homme ou un débris. (...)
Mais ce monstre, tu l'aimes et t'as aucune intention de le quitter. Parce que tu t'es habitué à lui, parce que t'as besoin de son désordre pour vivre."

 
Là, un crime a été commis. Tout le monde aimait le vieux Cundo pourtant, et surtout Léo, qui s'est promis d'arrêter le salaud qui a fait ça. Pas facile, pourtant : s'il possède les codes du quartier et partage ses souvenirs d'enfance avec ses habitants, ceux-là ne se confient pas facilement, qui plus est à un flic.

L'unité de lieu (le périmètre restreint du barrio) et de temps (une journée) rappelle le roman d'énigme à l'anglaise. Et comme dans ce dernier, on passe en revue tous les suspects potentiels, les mobiles, les alibis, avant de trouver le coupable.
Mais nous sommes surtout, et d'abord, dans un roman noir et social : c'est la vie de ce quartier et de ses habitants, contraints pour survivre à la contrebande et aux petits trafics, que nous voyons se dessiner au fil des pérégrinations et des rencontres de Léo Martín.


Si Lunar montre une certaine empathie, voire de la tendresse vis-à-vis de ses personnages, il bannit tout sentimentalisme. En à peine une centaine de pages particulièrement cinglantes et éloquentes, il donne simplement à voir une réalité quotidienne. Sans emphase ni effets dramatiques, mais avec un sens aigu de l'observation et des mots affûtés et précis.

Boléro noir constitue la première chronique d'une trilogie. Je sais déjà que je retournerai à Santa Clara.


Boléro noir à Santa Clara / Lorenzo Lunar (Que en vez del infiernoencuentres gloria, trad. de l'espagnol (Cuba) par Morgane Le Roy. L'Atinoir, 2009)


PS : à noter la pertinente préface qui restitue le roman dans le contexte socio-historique cubain et revient aussi sur la riche tradition de l'ile en matière de roman noir (Padura, Chavarria et bien d'autres...).

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4 mai 2009 1 04 /05 /mai /2009 00:00

"Il y a deux choses que les allemands ne savent pas faire : les révolutions et les romans policiers." La boutade serait de l'écrivain britannique George Bernard Shaw.
C'était avant Jacob Arjouni et son privé turc, Pieke Bierman ou Bernard Schlink (avec Brouillard sur Mannheim notamment), mais il est vrai que l'Allemagne n'a pas une grande tradition de polar.

Parmi les rares auteurs traduits en France, on trouve Andrea Schenkel, dont Actes Sud publie ici le second roman. Comme dans le précédent, La ferme du crime, elle s'inspire d'un fait divers : dans les années 30 à Munich, plusieurs jeunes femmes furent sauvagement assassinées par un tueur en série. Ce dernier, prénommé Josef Kalteis, fut finalement arrêté et condamné en 1939.


Ne vous inquiétez pas, je ne dévoile rien qu'on sache déjà après avoir lu la 4ème de couverture ou la première page du roman, qui s'ouvre sur une note du procès expliquant que "la sentence sera exécutée sans délai" et qu'"on évitera toute annonce publique" : "le peuple allemand est sain et doit le rester. (...) Il est intolérable que cet élément asocial ait pu sévir pendant des années dans l'Ouest de Munich et qu'il souille cette ville qui est le berceau du mouvement, et qui est si chère au coeur de notre Führer bien-aimé."
Là on se dit que ça démarre bien et que l'auteur va nous parler de ce petit grain de sable dans la machinerie idéologique nazie. Eh bien non. Soit.

Elle s'attache en fait à retracer le parcours sanglant du meurtrier et les dernières heures de ses victimes, en adoptant successivement le point de vue des témoins, des proches des victimes et des victimes elles-mêmes. Et alors qu'on s'attend à une reconstruction linéaire, elle effectue un compte-à-rebours et remonte dans le temps jusqu'à la première victime, Kathie : c'est elle qui occupe le centre le récit, dont la mort signe à la fois le début du carnage et la fin du roman. Une jeune fille simple, un peu naïve et pleine de rêves qui a fui sa campagne pour découvrir la grande ville et la promesse d'une vie trépidante.


Les témoignages, qui se suivent et se ressemblent, sont entrecoupés par des bribes d'interrogatoires de Kalteis, qui se défend assez mollement et semble peu concerné par le sort réservé aux victimes.
Un peu... comme nous, finalement. Est-ce parce qu'on n'a pas eu le temps de bien la connaître ? En tout cas, je suis resté plutôt insensible à l'histoire de Kathie, que l'auteur s'évertue pourtant à rendre attachante

D'autre part, cette mort programmée désamorce en grande partie la tension du récit. Ce qui n'exclut pas automatiquement une montée dans l'angoisse, me direz-vous. C'est vrai, mais en ce qui me concerne, mon intérêt diminuait à mesure que l'histoire progressait.

Enfin, si la construction du récit est vraiment astucieuse, je regrette que l'auteur ne fasse pas revivre un peu mieux le Berlin des années 30. Elle a peut-être jugé que la folie meurtrière de Keltais était dissociable du contexte, mais il y avait là quelque chose à creuser il me semble, tant l'horreur des crimes - associée à l'imminence de la guerre et à la montée en puissance du IIIème Reich - tranche singulièrement avec l'ambiance festive et insouciante de la capitale bavaroise.


En Allemagne, Un tueur à Munich a obtenu en 2007 le Prix Friedrich Glauser, la plus grande récompense accordée à un roman policier. Quand j'ai lu ça, j'avoue avoir pensé, fielleux : "la concurrence ne doit pas être bien féroce". Vous serez peut-être moins sévère que moi.


Un tueur à Munich : Josef Kalteis /
Andrea Maria Schenkel (Kalteis, trad. de l'allemand par Stéphanie Lux. Actes Sud, Actes noirs, 2009)

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2 mai 2009 6 02 /05 /mai /2009 00:00
Le jazz a toujours inspiré le polar. Question d'ambiance, surlignée par les destins tragiques et romanesques de quelques figures - Art Pepper, Charlie Parker, Chet Baker... Question d'essence : le jazz comme le roman noir chante "le blues de tous les déprimés qui sont seuls, tristes et inquiets et qui ne pourront jamais dire leur malheur".

En voilà une nouvelle illustration avec ce Jazz me blues, initié par les éditions Moisson Rouge, qui ont fait encore une fois du bon boulot : "à l'origine de cette anthologie, il y a la découverte fortuite de quatre grands textes : deux nouvelles de Charles Beaumont, deux autres de Davis Grubb (l'auteur de
La nuit du chasseur). (...) Avec une base aussi solide, il était tentant de constituer un recueil entier dans la même veine".


Tentant, et vraiment alléchant.
A l'affiche, donc : quatorze nouvelles inédites en France (la plupart ont été composées spécialement pour ce projet) et un orchestre franchement impressionnant : Marc Villard, Michel Boujut, Laurent de Wilde, Bob Garcia, Nathan Singer, Bill Moody, Jake Lamar, John Harvey et James Sallis. Rien que ça ! C'est un peu comme si on avait réunis les meilleurs solistes du "jazzpolar".


Des connaisseurs, de surcroît, musiciens pour certains, et qui s'attachent surtout au jazz vivant et populaire plutôt qu'à cette musique d'initiés vaguement intellectualisante qu'on nous sert depuis quelque temps. 

Chacun, dans un registre grave ou plus léger, joue sa partition avec doigté, pour former un ensemble harmonieux et cohérent, avec une mention spéciale pour les solos de John Harvey (Minor Key), Davis Grubb (Tous les chemins que j'ai parcourus) et Bill Moody (Child's play), particulièrement en verve.

De la Louisiane au canal Saint-Martin, du Birdland à une salle des fêtes des Vosges, des années 20 à nos jours, on croise de vieux bluesmen fatigués, un trompettiste de génie, un batteur raté, une beauté fanée, le frère de Phillip Marlowe, Billie Holliday, et même un crapaud coincé dans une caisse claire !

14 morceaux à la tonalité souvent intimiste, aux inflexions dures, mélancoliques ou enjouées, 14 trajectoires aux lignes brisées et ce même chorus des rêves inaccomplis, des promesses non tenues, des gloires éphémères. Tout n'est pas noir pour autant, entre les retrouvailles émouvantes de deux amis séparés depuis longtemps, l'affection d'un trompettiste pour son mentor, et, surtout, tous ces moments de complicité et de joie simple entre musiciens après un set bien balancé. Trop rares instants de plénitude.


Voilà un magnifique recueil de nouvelles, de mélodies souples et de breaks tranchants, d'où s'échappent à la fois la complainte d'un sax et l'énergie d'un swing. Beau, triste, parfois poignant. Le concert était réussi, comme on dit. Allez, un rappel ?


Jazz me blues / anthologie proposée par Jean-Paul Gratias ; 14 nouvelles noires inédites signées : Charles Beaumont, Michel Boujut, Bob Garcia, Davis Grubb, John Harvey, Jake Lamar, Bill Moody, James Sallis, Nathan Singer, Marc Villard et Laurent de Wilde (Moisson Rouge, 2009)
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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 14:03
Vous habitez la région parisienne et hésitez encore, pour ce soir, entre Dr House (dont le polar, qui vient de sortir en France, caracole en tête des ventes d'ailleurs), le magazine d'information 66 minutes sur M6 (au menu ce soir : la cocaïne chez les jeunes. A quand "la cocaïne chez les journalistes" ?) ou la retransmission du match de foot sur RTL (vu que votre femme regarde justement Dr House) ?

Vous pouvez aussi éteindre votre télé ou votre radio, et venir assister, en bonne compagnie, à une rencontre-débat autour du polar organisée par le Centre Georges Pompidou et les éditions Métailié, qui fêtent leurs 30 ans d'existence.
Seront donc présents Anne-Marie Métailié ainsi que trois auteurs de la maison : Giancarlo De Cataldo (Romanzo Criminale), Hannelore Cayre (Commis d'office, qui vient d'être adapté au cinéma) et Serge Quadruppani, auteur mais aussi traducteur de Camilleri, Evangelisti ou... De Cataldo.
                                                  

La rencontre débute à 19h30, dans la "petite salle". Plus de renseignements
ici.
Par contre, j'ignore s'ils ont prévu les p'tits fours et le champagne...

Et dans tous les cas, bonne soirée !
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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 11:11

La quatrième de couverture nous indique que Le résurrectionniste - premier roman publié en France de l'auteur australien James Bradley - s'inscrit dans la lignée des grands textes gothiques tels Frankenstein ou Dr Jekyll et Mr Hyde. On constate une certaine parenté, certes, mais... lointaine. 


Le jeune Gabriel Swift, fraîchement débarqué à Londres - nous sommes en 1826 -, fait son apprentissage chez le Dr Poll, éminent chirurgien. Pour poursuivre ses cours et son étude du corps humain, Poll et ses apprentis ont évidemment besoin de matière première : des cadavres.
Qu'il récupèrent en faisant appel aux résurrectionnistes, des pilleurs de tombes et bandits sans foi ni loi hantant les cimetières à la nuit tombée.
Gabriel, bientôt livré à lui-même et désargenté, va céder à l'influence néfaste de l'un d'entre eux, le sinistre Lacan. Une descente aux enfers jalonnée par des actes insensés.


A travers une langue riche et élégante, Bradley insuffle à ce récit d'épouvante une atmosphère à la fois lourde, lugubre et menaçante. L'ennui, c'est qu'on a l'impression de voir se dérouler l'histoire derrière une vitre. Attentif, mais pas vraiment concerné. Peu touché par les scènes de meurtres ou de profanation qui devraient pourtant nous remplir d'épouvante et de dégoût. Et surtout, peu soucieux du sort de Gabriel, qui sombre peu à peu dans les vapeurs de l'opium, la folie et le meurtre. A aucun moment ou presque, on ne partage son angoisse ni la sensation d'égarement qui l'étreint.

Pourquoi donc ? D'abord parce que l'auteur observe une froide distance vis à vis de son sujet, à tel point que Gabriel, le narrateur, semble même, à certains moments, étranger à sa propre histoire. Dans ces conditions, le lecteur a du mal à montrer quelques signes d'empathie...
Ensuite, Bradley ne nous en livre pas assez sur ses différents personnages, leurs liens et ce qui les anime. Adepte de l'ellipse, il suggère plus qu'il ne montre. C'est tout à son honneur et ça peut donner des textes magnifiques et aériens (il n'y a qu'à lire James Sallis), mais ça requiert un équilibre sans faille et et un talent d'orfèvre, au lieu de quoi tout se délite et s'effiloche. C'est ce qui se passe ici, et on a trop souvent la désagréable impression de n'avoir pas tout saisi. Question de dosage.

Pour finir, j'ai trouvé la seconde partie du roman, qui se situe en Australie, dix ans après les macabres événements londoniens, bien plus réussie et intéressante. Une excellente évocation - et bien plus vivante que les brumes londoniennes - d'une époque et d'un pays où l'empire britannique exilait ses condamnés de droit commun et ses prostituées.


Loin d'égaler ses glorieux prédécesseurs cités plus haut, ce résurrectionniste n'est pas pour autant un polar médiocre, loin de là. Seulement, s'il fait habilement étalage de chair putréfiée et de sentiments corrompus, il lui manque malgré tout ce supplément d'âme qui en aurait fait un vrai bon roman.

 
JM Laherrère est sensiblement du même avis, sur actu-du-noir.


Le résurrectionniste / James Bradley (The Resurrectionnist, trad. de l'anglais (Australie) par Julien & benjamin Guérif. Rivages/Thriller, 2009)

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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 00:00
Raymond Chandler est mort il y a cinquante ans. A cette occasion, les éditions Omnibus publient en un volume les 25 nouvelles de l'auteur, avec de nouvelles traductions. Il faut d'ailleurs saluer le bon travail éditorial réalisé autour de cet ouvrage, agrémenté d'une pertinente préface d'Alain Demouzon et d'un texte de Chandler sur le roman noir, Simple comme le crime, où il s'attaque notamment au roman d'énigme bien propre sur lui et alors très en vogue.
Et si Hammett "a sorti le roman policier du vase vénitien pour le jeter dans la rue", Chandler, pour sa part, a pris soin d'éparpiller les morceaux.


Après avoir exercé de nombreux métiers, Chandler décide de se consacrer pleinement à la littérature. Nous sommes en 1933, il a 45 ans, et sa première nouvelle est publiée dans Black Mask, le fameux magazine "pulp" créé en 1920, tout entier consacré aux littératures populaires - SF, western, polar, aventure... Des pointures comme James Cain ou Horace McCoy y firent leurs armes.

Jusqu'à la parution du Grand sommeil, en 1939, une vingtaine suivront : de petits laboratoires où il affine son style, marqué par une écriture dépouillée de toute considération psychologique et privilégiant l'action et les dialogues. Les personnages ne sont déterminés que par leurs actes et leurs paroles. Ce qu'on appellera le comportementaliste ou behaviorisme.
Chandler possède aussi un sens aigu de la mise en scène, nous informant sur le cadre, la lumière, les vêtements, les attitudes et les gestes les plus infimes des personnages. En cela, ses nouvelles, comme ses romans, sont très cinématographiques.

Chandler reprenait souvent certains passages de ses nouvelles pour les approfondir et les incorporer ensuite dans ses romans. "Ceci moins par paresse, nous dit Alain Demouzon, que par conviction qu'un matériau narratif intéressant n'avait pas été développé au mieux dans la toute relative brièveté de ses stories."

Attention, ça ne signifie pas qu'elles sont d'un intérêt négligeable ou dévolues aux seuls exégètes de l'écrivain. Il ne s'agit pas de pâles copies des chefs d'oeuvre à venir, mais plutôt des esquisses finement ciselées et au trait sûr. De la même manière, s'il est intéressant de les lire à l'orée du Grand sommeil ou d'Adieu ma jolie, ces nouvelles se suffisent d'abord à elles-mêmes.

On y retrouve la faune habituelle : gangsters, femmes fatales et vénéneuses, flics marrons... Acteurs et témoins d'une société en pleine déliquescence, gangrénée par l'avidité et la corruption. Et des détectives privés, surtout. Les Carmady, Reseck, Mallory annoncent le légendaire Philippe Marlowe, figure emblématique du détective privé hard-boiled, immortalisé au cinéma sous les traits d'Humphrey Bogart.


Que dire de plus, sinon d'affreuses banalités ? Que Chandler partage avec Hammett la paternité du roman noir tel qu'on le conçoit encore aujourd'hui ? Qu'il a influençé de près ou de loin la plupart des auteurs qui l'ont suivi ? Que ses textes sont des modèles de rythme et de narration ? Oui, trois fois oui.


Les ennuis, c'est mon problème : l'intégrale des nouvelles / Raymond Chandler (Omnibus, 2009)
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