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17 mars 2008 1 17 /03 /mars /2008 23:03

"Après Le Silences des Agneaux, après Seven, après Saw, Un sur deux". Rien que ça...
La 4ème de couverture est un vrai catalogue de louanges, toutes plus dithyrambiques les unes que les autres. Presque agaçant à force... D'ailleurs, j'ai plutôt tendance à me méfier de ce type de bouquin, Celui que TouleMonde a Adoré, et qui vous le râbache bien. 
Sauf qu'après avoir pioché quelques bonnes critiques ici et là, je me laisse tenter... Un bon thriller, me dis-je, peut-être pas très innovant mais efficace, comme on dit.


1sur2.jpgEt dans l'ensemble, le roman remplit plutôt bien son office, malgré quelques longueurs et un style parfois trop démonstratif, l'auteur nous tirant par le bras et pointant du doigt ce qu'il vient déjà de suggérer.
Des maladresses inhérentes à un premier roman, qui ne portent guère à conséquence pourvu qu'on puisse y trouver un peu de distraction, à travers une histoire pas franchement originale (un flic rejoint l'équipe du légendaire inspecteur John Mercer, tous ensemble ils vont traquer un dangereux psychopathe) mais "haletante" (comme on dit, encore une fois), où l'auteur joue avec nos nerfs jusqu'à la dernière ligne.


Mais voilà, si on se laisse porter plutôt volontiers par l'intrigue, le rebondissement final est parfaitement superflu, et gâche complètement le dénouement. C'est comme le maquillage, à force d'en rajouter, ça fait vulgaire... 
Sans compter les quelques incohérences qui émaillent le récit, notamment ce chapitre entier - intitulé Charlie, environ à la moitié du récit -, un élément que vous retournez dans tous les sens sans pouvoir l'assembler à la mécanique de l'enquête ni même lui donner une quelconque signification !


Au final, Un sur deux est un thriller très moyen, où l'intensité dramatique s'ankylose au fil du récit et qui n'échappe pas aux poncifs du genre (le profiler empathique n'est pas sans rappeler certaines séries télévisées plutôt médiocres). 
Une fois reconstitué, ce polar-puzzle ne laisse apparaitre qu'un motif plat, sans relief, académique comme une carte postale. Dommage, car l'imagination de l'auteur et la construction du récit (en forme de compte-à-rebours, ce qui crée une tension supplémentaire) sont des signes encourageants... Promesses tenues dans le... prochain roman ? 


Un sur deux
/ Steve Mosby (trad. de l'anglais par Etienne Menanteau. Sonatine éditions, 2008)

Sonatine éditions est un nouveau venu dans le paysage éditorial"Baptisée ainsi en hommage à la forme musicale douce de la sonate et aux films de yakuzas, Sonatine éditions a pour ambition de tenir ce paradoxe fondateur et de concilier à travers sa production éditoriale culture et contre-culture, courants continus et alternatifs."  Leur catalogue - une majorité de traductions - s'oriente particulièrement vers le polar et le cinéma, à travers romans, beaux-livres, documents... 

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7 mars 2008 5 07 /03 /mars /2008 16:10
« Lisez-le ce livre. Il vous donnera envie de faire la pute et de vous embourber de came. » Voici le conseil du toujours modéré et avisé (?!) James Ellroy dans sa préface.
Je n’ai pas encore les narines irritées par la poudre, mais je souscris aux propos d'Ellroy : Edward Bunker est bien un « superbe écrivain ».
 

stark.jpgStark
est le premier roman écrit par Bunker, jamais publié jusqu’à présent car retrouvé seulement en 2005, après la mort de l’auteur survenue la même année.
Edward Bunker considérait-il ce court roman de jeunesse comme une œuvre négligeable ? Peut-être, mais ces lignes augurent bien de celles à venir : on y retrouve le style – direct, âpre, imagé (« Stark se réveilla aussi soudainement qu’un animal sauvage et avec la même immédiate lucidité ») – présent dans Aucune bête aussi féroceLa Bête contre les murs et La Bête au ventre, une trilogie sur l’univers carcéral (Bunker a passé 18 ans de sa vie en détention, expérience qu’il relate notamment dans L’éducation d’un malfrat), dont il n’est pas exagéré de dire qu’elle constitue une œuvre majeure dans le champ de la littérature policière.
 

L’action se déroule en Californie à la fin des années 60, et raconte, à la première personne, les tribulations de Stark, un petit arnaqueur, bonimenteur et accro à l’héro.
Plutôt futé le bonhomme d’ailleurs, même si après s’être bêtement fait pincer pour détention de drogue, il est contraint de jouer les balances auprès de l’inspecteur Crowley, qui ne le lâche pas d’une semelle. C’est Momo qui fournit Stark, et ce que veut Crowley c’est le nom du grossiste. Crowley, Momo, Dummy le porte-flingue… Pris en étau entre les flics et la pègre, Stark va devoir louvoyer, mais il a pour lui son bagout et sa roublardise. Il se pourrait même qu’il tire son épingle du jeu, en plus d’un gros paquet de fric. Pour monter son propre réseau ou pour se mettre au vert, seul ou avec l'énigmatique et sensuelle Dorie…
 
 
Ce court roman est rondement mené, les personnages bien croqués, les ambiances parfaitement restituées. Bunker nous donne à voir, sans compassion particulière ni jugement moral, le petit monde de la rue : petits truands, camés, receleurs, prostituées... bien souvent des personnages égocentriques, peu scrupuleux, avides… Toutes ces âmes brisées, qui le soir venu, au Panama Club, pris de frénésie, s’enivrent et rient aux larmes en tentant d’échapper à la réalité


Stark / Edward Bunker (Stark, trad. de l'américain par Freddy Michalski. Rivages/Thriller, 2008)
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27 février 2008 3 27 /02 /février /2008 17:27

Dans la série je comble mes (nombreuses) lacunes littéraires, je viens de découvrir l’auteur(e) espagnole Alicia Giménez-Bartlett. Si son nom ne m’était pas inconnu, je ne m’étais pas encore embarqué dans ses pérégrinations barcelonaises…

 
C’est chose faite, après qu’une internaute bienveillante (grazie Annita !) m’ait recommandé cet auteur qui, curieusement, est relativement méconnue en France (malgré l’attrait du public pour les personnages récurrents), alors qu’elle accumule les récompenses et rencontre un large public en Italie ou en Allemagne.

 
rites_de_mort.jpgCinq titres sont déjà parus en France, chez Rivages-noir. Les romans de Giménez-Bartlett mettent en scène un couple d’inspecteurs particulièrement attachant : Petra Delicado, la quarantaine, ancienne avocate, deux mariages derrière elle et encore pas mal d’interrogations existentielles devant, impulsive, accrocheuse… Et Fermin Garzón, son subordonné et ami, fonctionnaire consciencieux et loyal proche de la retraite, dont la bonhomie et la large bedaine tranchent avec l’intrépidité de Petra.  

Ce tandem nous emmène aux quatre coins de Barcelone, traversant les quartiers populaires ou passant les portes cochères des immeubles bourgeois, enquêtant dans les milieux les plus divers…
 

Rites de mort
est le premier roman de la série Delicado/Garzón (et aussi le premier paru en France, ce qui n’est pas toujours le cas…).
 
Alors que Pétra végète au service documentation du commissariat, son supérieur la charge d’enquêter sur une affaire de viol. Une opportunité à saisir pour qui espère depuis toujours « descendre dans les rues » afin de mener de véritables investigations policières. On lui adjoint un inspecteur expérimenté, tout juste muté de province : Fermin Garzón. Les premiers contacts sont difficiles… Garzón, d’un naturel placide,  oppose à Petra un masque de marbre, même s’il n’en pense pas moins sur les méthodes pour le moins musclées de sa supérieure (qui le choquent d’autant plus qu’elle est une… femme). De son côté, Petra s’agace profondément des reproches muets que semble lui adresser ce collègue « monolithique ». Peu sûre d’elle, elle use parfois d’autoritarisme devant un Garzón renfrogné.
Mais les deux protagonistes-antagonistes vont s’apprivoiser peu à peu, puis s’apprécier et poser les bases d’une solide amitié. Une relation qui constitue la colonne vertébrale du récit.
 
Cette première enquête les mène sur la piste d’un violeur en série, qui marque ses victimes d’un sceau en forme de fleur. Entre balbutiements, précipitation et fausses pistes, l’enquête s’enlise. Le violeur récidive, l’affaire fait la « une », la pression monte. Petra, harcelée par les médias (ainsi que par ses ex-maris), aidée par son fidèle compagnon, va devoir mettre au jour certains secrets de famille particulièrement glauques afin de mettre la main sur le violeur.
 

Ce roman, aux personnages bien campés, à l’intrigue bien ficelée, tient particulièrement bien la route. Giménez-Bartlett restitue avec nuance la complexité des sentiments et des comportements humains, à cent lieues d’effets simplistes, de discours caricaturaux (les victimes elle-même succombent à la cupidité, à la bêtise…).

Et puis, Delicado et Garzón font partie de ces personnages qu'on a plaisir à retrouver. D’ailleurs, j’ai Le jour des chiens près de moi… 


Rites de mort
/ Alicia Giménez-Bartlett (trad. de l'espagnol par Marianne Millon. Rivages-noir, 2000)
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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 11:00

Un maniaque qui kidnappe et torture des enfants.
Un flic intuitif, taciturne, hanté par son passé
Une ambiance urbaine crépusculaire…

Voilà quelques ingrédients du roman de Mark Henshaw et John Clanchy, qui avaient déjà mis en scène l’inspecteur Salomon Glass dans Si Dieu dort.
Du « réchauffé », me direz-vous, la vieille recette d’un énième « trileur » calibré, compassé, commun, encore alourdi par des personnages caricaturaux.

Et pourtant…
Alors que le « thriller psychologique » devient un argument marketing bien souvent galvaudé, ce tandem d’auteurs parvient à transcender les poncifs du genre, sans surenchère morbide, pour nous livrer un polar redoutable, à l'atmosphère lourde, hypnotique, exerçant sur le lecteur une véritable emprise .



OmbreChute.jpgAmy Gardner, neuf ans, a été enlevée. Ses parents reçoivent bientôt une boite contenant... sa lèvre inférieure. L’inspecteur Glass s’y attendait : en neuf mois, c'est le quatrième cas de ce genre. A chaque fois, le ravisseur mutile sa victime et propose un marché à la mère : sa vie contre celle de son enfant. Deux d'entre elles se sont déjà suicidées.
Bientôt Salomon Glass découvre qu’il fait lui aussi partie du jeu.


Le personnage de l’inspecteur Glass est particulièrement réussi. Il s’agit d’un être mystérieux, au charme ambigu, à l’égard duquel ses collègues éprouvent une fascination mêlée d‘une certaine appréhension. Un homme habitué à la présence des démons et qui dissimule des abîmes de noirceur et de mélancolie. Un flic saturnien… dont l’enquête s’apparente à une quête métaphysique..



Si le suspense, savamment distillé, est au rendez-vous, c’est la subtile trame psychologique qui donne à ce roman sa force et son originalité.
L’art de l’ellipse, le style épuré, jamais démonstratif du récit nous entraînent jusqu’aux tréfonds de la psyché humaine, acculant le lecteur contre ses propres barrières morales et le confrontant à son voyeurisme latent.

Si les deux auteurs sont australiens, l’intrigue se déroule dans une ville américaine, non nommée, un lieu anonyme, poisseux, qui rajoute encore au malaise et à la force d’attraction qu’exerce le roman.

Bref, une réussite que ce roman, susceptible de plaire aux amateurs les plus exigeants comme au grand public. Une petite musique inquiétante, entêtante, qui résonne bien après le roman achevé.

 

L’ombre de la chute / Mark Henshaw & John Clanchy (And hope to die, trad. de l'anglais (Australie) par Aurélie Tronchet. Bourgois, 2008)  

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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 14:05
Lansdale m’a été conseillé par Bernard Blanc, son… traducteur en France. Je l’en remercie encore une fois, surtout après la lecture des Marécages, un vrai petit chef-d’œuvre !
 
Harry Crane est aujourd’hui un vieil homme au seuil de la mort. Il se remémore les événements qui ont marqué son enfance.

« Je suppose que certains avaient de l’argent à l’époque, mais pas nous. C’était la Grande Dépression. Et de toute façon, si on en avait eu, il n’y avait vraiment pas grand-chose à acheter, ces années-là, à part des cochons, des poulets, des légumes et des denrées de base ; et puisqu’on produisait les trois premiers, c’étaient celles-là qui nous intéressaient, et parfois on faisait du troc pour se les procurer ».
 
mar-cages.jpgSi la vie est rude dans ce coin reculé de l’East Texas, Harry, du haut de ses treize ans, est un jeune garçon insouciant, qui partage son temps entre les corvées de la ferme et les jeux, en compagnie de sa jeune sœur Tom.
Par hasard, ils vont découvrir dans la forêt le cadavre d’une femme noire, atrocement mutilée et enroulée dans du fil barbelé. C’est leur père, faisant office de constable (un représentant local de la loi) qui va mener l’enquête, rencontrant les pires difficultés face aux préjugés et à la bêtise de la communauté blanche qui voit en lui un «copain des nègres». Si les meurtres de noires n’émeuvent pas grand-monde, la colère des hommes du Ku Klux Klan va se déchainer lorsqu’on va retrouver le cadavre d’une blanche… Le Klan, à cette époque et dans le sud des Etats-Unis, est encore une puissante organisation ; quelques années plus tôt, en 1925, elle fut à son apogée avec… cinq millions de membres.

Qui assassine ces femmes ? Un « ambulant » ? Un de ceux qui traversent le pays dans des trains de marchandises ? Ou peut-être bien l’Homme-Chèvre, une créature maléfique vivant dans les bois, dont on raconte qu’il vole des animaux et des enfants ?
 

Harry, fasciné par cette affaire, va devoir affronter sa propre peur ainsi que le tueur, dans un final particulièrement angoissant qui n’est pas sans rappeler la Nuit du chasseur.
On pense aussi à Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (Harper Lee) pour l’évocation de l’enfance dans un coin paumé et pauvre du Sud profond, aux photographies de la Grande Dépression prises par Dorothea Lange. A la voix éraillée de Billie Holiday chantant Strange Fruit, dans cette Amérique qui pend et brûle « ses nègres », avant de les photographier pour illustrer des cartes postales…
 
Lansdale a écrit à la fois un roman d’initiation, à travers le personnage d’Harry, confronté à des événements dramatiques qui vont contribuer à faire de lui un homme, et un thriller efficace, dominé par la figure du tueur en série, dont l’auteur joue astucieusement en en faisant une espèce de croquemitaine de conte pour enfants.

Ajoutons à cela la puissante évocation d’une époque, marquée par la Grande Dépression, et d'un lieu, cette région inhospitalière du Texas, recouverte de forêts menaçantes, empreinte de superstitions, où dominent les tensions raciales et l’omniprésence du Klan.
 
 
Du coup, je me suis précipité sur Du sang dans la sciure, qui vient de paraitre.

sangdanslasciure.jpgMême endroit, même époque. Années 30 dans l’East Texas. Et ça commence très fort : alors qu’un ouragan dévaste sa maison et toutes choses alentour, Sunset, en train de subir une énième dérouillée, abat son mari d’une balle en pleine tête. Pete était le constable et, grâce à l’appui inattendu de sa belle-mère, Sunset va récupérer son insigne.Une bonne femme qui joue au shérif, on ne voit pas ça d’un bon œil à la scierie voisine, où travaillent la plupart des hommes du coin.
Sunset, en butte à l’animosité et au machisme des locaux, est bientôt confrontée à un double meurtre. Accompagnée de deux adjoints, Clyde, un brave type mal dégrossi, et Hillbilly, belle gueule et du charme à revendre, elle tente tant bien que mal de démêler les fils d’une énigme plus compliquée qu’il n’y parait.
Lansdale excelle toujours dans la reconstitution d’une époque, dans la construction d’une intrigue, et nous offre un beau portrait de femme indépendante, libre, dont la force de caractère viendra à bout des obstacles.

Si Du sang dans la sciure ne possède pas la densité, l’intensité ni le charme des Marécages, il n’en demeure pas moins un très bon polar(-western) qui vous laissera un lancinant goût de poussière et de métal dans la bouche avec, au menu, un échantillon (frelaté) d’humanité et une paire de méchants barjots carrément flippants, le tout servi dans une chaleur étouffante.
 
Les marécages / Joe R. Lansdale (Murder Inc., 2002, rééd. Folio policier, 2006)
Du sang dans la sciure (éd. du Rocher, Thriller, 2008)

A noter aussi la réédition d'Un froid d'enfer en janvier chez Folio policier.
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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 14:42

Nous sommes en Australie, plus précisément au Calpe, un bar-discothèque du bord de mer du bout du monde, situé à quelques heures de route de Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud. Un lieu de passage obligé, où vient se saouler à mort la faune locale, des jeunes désœuvrés pour la plupart et les gars employés à l’abattoir local, comme John Verdon, un type haineux, dont le job consiste, à l’aide d’un merlin (une sorte de masse), à assommer une centaine de bœufs par jour, juste avant leur dépeçage.


 
A_coups_redoubl--s.jpgLa journée finie, avec son pote Harris, ils filent au pub s’abrutir de whisky frelaté et de mauvaise bière que leur sert Mike, le patron peu scrupuleux qui rogne sur les doses, trafique ses bouteilles et fait boire tant qu’il peut des clients déjà complètement imbibés – et tant pis si un môme se fout dans le décor en rentrant chez lui –, pourvu qu’ils allongent la monnaie !
 
Ce samedi-là n’échappe pas à la règle, mais quelque chose va vraiment mal tourner, d’autant plus que Verdon a passé une sale journée, et qu’il a vite fait de prendre en grippe un des jeunes du coin, un ado boutonneux et libidineux nommé Peter Watts. Quand ce dernier profite de l’ivresse d’une fille pour abuser d’elle, le prétexte est tout trouvé pour lui donner une bonne leçon…
 
Alors, que s’est-il exactement passé ce jour-là pour causer la mort d’un homme ?
 
C’est ce que tente d’éclaircir la Cour – les interventions du juge, de l’avocat et du procureur émaillent le roman – …et le lecteur, lequel n’apprend l’identité de la victime et la cause de sa mort qu’à la fin du récit, qui reconstitue peu à peu la trame et les circonstances – tragi-comiques – du drame.
 

En à peine plus de cent pages parfaitement maitrisées, où l'énumération des faits prime sur l'étude psychologique, Kenneth Cook dresse un portrait bien sombre de son pays et d’une partie de sa jeunesse vouée à la désespérance et l’autodestruction
Une farce grinçante, où la méchanceté, la cupidité, la bêtise crasse finissent par tourner au ridicule… 
 
Ce court roman est un bon moment de lecture, même s’il ne vous laissera pas un souvenir impérissable. Mais ils ne sont pas bien nombreux, je pense, les auteurs qui, avec une telle économie de moyens, font surgir un décor, une intrigue, des personnages avec autant de talent…
 
Kenneth Cook est mort en 1987. A coup redoublés est son troisième roman publié chez Autrement, après Cinq matins de trop et Par-dessus bord.
 
 
A coups redoublés / Kenneth Cook (Autrement, 2008)
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25 janvier 2008 5 25 /01 /janvier /2008 16:21

La réédition de Faites-nous la bise chez Rivages-noir m’a donné l’occasion de découvrir Daniel Woodrell, dont plusieurs romans ont déjà été traduits en France (le dernier en date, Hiver de glace, est paru l’année dernière) et dont on dit beaucoup de bien.

 
Celui-ci se déroule près de Kansas City, dans les Ozarks, un immense plateau s’étendant sur plusieurs Etats du Sud (Missouri, Kansas, Arkansas, Oklahoma), un coin qu’on a coutume d’appeler l’Amérique profonde, où l'auteur a lui-même grandi.

 woodrell.gif
Après un mariage raté (« Au bout du troisième slow d’affilée que ma femme avait dansé dans les bras du poète résident, j’avais compris qu’il était temps d’aller chercher ma valise dans le garage et d’en essuyer les toiles d’araignée.»), Doyle Redmond - le narrateur - rentre « au pays » retrouver les quelques membres de sa famille encore en liberté.
Car les Redmond, illustre famille locale aujourd’hui "déchue", sont réputés pour leurs manquements réguliers à la loi, comme le grand-père Panda qui a autrefois descendu un type en pleine rue, un manque de contrôle passager qui l’a contraint à vendre la quasi-totalité des terres familiales pour "racheter" sa peine.
 
Si Doyle a tenté d’échapper à l’atavisme familial en se fourvoyant quelque temps dans les cercles universitaires et intellectuels californiens, il est maintenant bien décidé à assumer son accent nasillard de redneck et l’inclination naturelle de ses ancêtres à défier la loi. Aussi, quand ses parents le chargent de raisonner son frère Smoke, recherché par la police, afin qu’il se rende, Doyle n’y met pas beaucoup de persuasion et, mieux, il s’embarque avec lui dans la culture (intensive) de cannabis, qui devrait permettre à Smoke de régler ses ennuis judiciaires moyennant finances et à Doyle d’écrire LE roman qui le sortira de l’anonymat littéraire dans lequel il végète.
Avec son frère vivent Big Annie (en référence non à son embonpoint mais à sa généreuse poitrine) et sa fille Niagra, généralement peu vêtue, férue d’ésotérisme et qui rêve de conquérir Hollywood. Entre interrogations existentielles, "atelier jardinage" et équipées champêtres, les quatre compagnons bohèmes vont devoir faire face aux «Dolly», une famille voisine constituée d’abrutis à-demi dégénérés aussi stupides que dangereux...
 

Woodrell nous offre là un polar truculent ambiance redneck, teinté d’un humour féroce et pince-sans-rire. La tendresse qu'il porte à ses personnages, de joyeux drilles un brin déjantés, l'humanité qu'il leur confère, les rendent particulièrement attachants. Une belle réussite.
 
 
Faites-nous la bise / Daniel Woodrell (Rivages-noir, 2007)
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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 18:17


undefinedLuca Barberis est en fuite. Il vient de tuer un homme. Un coup de sang, une pulsion, le geste irréfléchi d’un homme aux abois. Durant sa cavale, qui l’emmène de Milan à Amsterdam, Luca entame une correspondance avec la juge chargée de l’enquête. Sa confession n’a d’autre but que d’expliquer son geste et de découvrir la vérité, puis de se venger de ceux qui l’ont détruit. Rapidement une curieuse relation nait entre l’assassin et « sa » juge ; au fil de leurs e-mails, nous suivons le parcours de Luca et découvrons peu à peu les dessous de la manipulation.


Deux ans auparavant, Luca est encore un brillant informaticien, patron de Titan Informatique, société spécialisée dans l’installation de systèmes de sécurité hyper-sophistiqués. Dans un marché en pleine expansion, le fils d’ouvrier savoure sa réussite, en cédant toutefois aux réflexes du nouveau riche : loft, objets d’art, meubles design…
 
Quand Lajanca père & fils lui proposent un contrat juteux, Luca, malgré quelques clauses suspectes, finit par accepter. Huit mois plus tard, le piège se referme : un virus sabote son programme, le contrat est rompu, Luca ruiné.

Blanchiment d’argent, corruption, cynisme, avidité… À mon juge n’est pas seulement un thriller savamment mené : en pointant l’impunité de sociétés financières occultes profitant du vide juridique et de l’impuissance, de l’inaction du pouvoir politique, le roman fait aussi une critique acerbe des désordres et des leurres du capitalisme mondial, de l’exploitation perpétuelle des plus faibles (un texte qui résonne tout particulièrement d’ailleurs, en ces temps de crise boursière, provoquée notamment par une spéculation effrénée qui repose sur l'endettement et les crédits immobiliers exorbitants des ménages américains les plus modestes).
Une réflexion du narrateur, parmi d’autres :
« Je travaillais plus qu’avant, mais pour mon compte, j’étais mon propre patron. A l’époque, j’aurais dit que c’était un moyen d’échapper à l’aliénation du travailleur au sein du système capitaliste, un moyen de se réapproprier le fruit de son travail ; je sais aujourd’hui qu’il s’agissait seulement d’une concession à l’orgueil de notre génération, au mépris dans lequel nous tenions l’emploi stable de nos pères. (…) Les combats que mène la droite aujourd’hui au nom de la flexibilité du travail ont été remportés depuis des années déjà, depuis qu’ils ont rendu leur profit désirable : non plus des employés, mais de jeunes entrepreneurs, avec l’illusion de pouvoir palper du fric. L’employé se met en arrêt-maladie, part en vacances, réclame ses droits ; le jeune entrepreneur travaille même avec de la fièvre, même en août si le commanditaire le lui demande. Oui, à présent il s’appelle le commanditaire, mais c’est toujours le patron d’autrefois. »


Si Perissinotto n’est pas un grand styliste, son roman est bien maitrisé et prend de l’ampleur au fil des pages, où surgissent des personnages secondaires bien fouillés, où l’on croise les fantômes de Brel et de Simenon (Lettre à mon juge), auxquels l’auteur, fervent francophile, rend un hommage appuyé, ce qui ne gâche rien.
Un polar qui confirme une fois de plus la bonne santé du polar transalpin ; Perissinotto  : un nom à retenir aux côtés des Piergiorgio Di Cara, Sandrone Dazieri, Loriano Macchiavelli, Andrea Pinketts, Massimo Carlotto
 
À mon juge /
Alessandro Perissinotto (Gallimard ; coll. Série Noire, 2007)
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18 janvier 2008 5 18 /01 /janvier /2008 23:03

C’est en lisant Badlands que j’ai vu mentionné pour la première fois le nom d’Higgins. Si John Williams, dans son périple américain, fait un détour par Boston pour rencontrer et discuter avec le dénommé George Vincent Higgins, après s’être entretenu avec des « géants » comme James Lee Burke, Tony Hillerman ou James Ellroy, c’est notamment parce qu’il tient Les copains d’Eddie Coyle en haute estime, le premier roman  d’Higgins (après 14 romans refusés tout de même) paru aux Etats-Unis en 1972 et adapté l’année suivante, avec dans les rôles principaux Robert Mitchum et Peter Yates (pas vu, et vous ?).


Un peu intrigué, je me lance donc dans la lecture des Copains…. Et le ton est donné dès la première phrase : «Jackie Brown, vingt-six ans, le visage impassible, affirma qu’il pourrait fournir des revolvers.»  Le reste du roman est à l’avenant. 


undefinedEddie Coyle, entre petites combines et reventes d’armes, rend quelques services et se débrouille tant bien que mal. 
Eddie Coyle s’est fait pincer au volant d’un camion de marchandises volées et il va bientôt passer en jugement. Alors pour mettre toutes les chances de son côté, il fricote un peu avec le flic du coin, lui refile quelques tuyaux, et c’est qu’il en connait du monde, peut-être même qu’il a sa petite idée sur ces braqueurs de banque qui font tant parler d'eux…
Car Eddie Coyle est très entouré, une vraie galerie de truands, des trafiquants d’armes aux seconds couteaux de la pègre, des besogneux du crime… Mais certains de ces « copains » ne mélangent pas l'amitié et le business.
Eddie Coyle a déjà été "puni" une fois, ça lui a coûté quelques doigts brisés et de mauvais souvenirs, il n’a pas envie que ça se reproduise…
Mais Eddie Coyle n’a pas de veine…
 
Au-delà de l’intrigue, la force et l’originalité du roman résident dans les dialogues, omniprésents, aux fils desquels se mettent en place les personnages, leurs relations et le cours du récit.
Percutants, truffés d’argot, ces échanges restituent avec virtuosité le langage de la rue et des truands, dont les conversations souvent codées sont émaillés d’ellipses, d’images et de non-dits.
 

Après Les copains d’Eddie Coyle, George Higgins a écrit une trentaine de polars (dont 4 sont traduits en France, et toujours disponibles dans la collection Rivages/noir), consacrés « aux individus généralement considérés par le grand public comme appartenant aux catégories les plus malhonnêtes du corps social : les criminels bien-sûr, mais également les avocats, les politiciens et les journalistes. Des gens qu’il connaît bien, puisqu’il a été successivement journaliste et avocat, et de ce fait quotidiennement en contact avec des criminels et des politiciens, voire même avec les deux réunis en une seule personne. » (in Badlands).

George Higgins est mort en 1999, à l’âge de 60 ans.



Les copains d'Eddie Coyle / George Higgins (Rivages-noir, 1991)

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12 janvier 2008 6 12 /01 /janvier /2008 10:37
Voilà plus de deux ans qu'on n'avait plus de nouvelles du Poulpe, depuis Poulpe fiction, qui devait être sa dernière enquête. Ravi donc de retrouver ce personnage si singulier et attachant, toujours embringué dans des aventures rocambolesques.

Trois nouveaux titres sont parus cet automne (un quatrième est prévu en mars - Dakar bagarre -, de Pierre Cherruau), parmi lesquels cet Appel du barge de la discrète Lalie Walker : on ne sait pas grand-chose d'elle, si ce n'est, comme nous l'indique le "
Dilipo" (décidément, quel outil !), qu'il s'agit d'un pseudonyme et qu'elle est psychotérapeute de formation.

undefinedSi Gabriel Lecouvreur nous revient, ce n'est pas en grande forme ! Il sombre lentement dans les affres de la dépression nerveuse et c'est l'esprit confus qu'il traine sa longue carcasse au Pied de Porc à la Sainte-Scolasse, son bistrot-QG parisien du XIème, où les coups de semonce de ses copains ne changent rien à son humeur mélancolique... Quant à à sa romance avec Cheryl, elle commence à prendre sérieusement l'eau... 

Poussé par son insatiable curiosité, c'est dans un ultime sursaut qu'il part pour Lesconil, une bourgade bretonne à quelques encablures de Bénodet, où on a retrouvé, à quelques jours d'intervalle, les cadavres de trois vieux marins échoués sur la plage. Si la plupart des habitants y voient les suicides de petits vieux déséspérés qui ont préféré choisir leur mort plutôt que de finir à l'hospice, ce n'est pas le cas de Corentin, persuadé que son ami Ernest a été assassiné. D'ailleurs, ce dernier semblait préoccupé ces derniers temps, notamment par les aller-retours nocturnes d'un yacht. Trimballant son vague à l'âme le long des côtes bretonnes, Le poulpe va tenter d'éclaircir ce mystère...

Au cours de son enquête, il va faire la connaissance de Jeanne Debords, une jeune inspectrice, personnage déjà présent dans les précédents romans de Lalie Walker.

Malgré les quelques faiblesses du scénario, cet épisode est un bon cru.  On retrouve le ton léger, l'humour propres à la série et l'on a surtout plaisir à revoir le Poulpe, aux prises avec une bande de pervers aussi bien qu'avec ses propres démons.



L'appel du barge / Lalie Walker (Baleine, 2007)
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