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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 18:44

Après Suite(s) impériale(s) et son ambiance un peu vaporeuse, abstraite, j'ai eu envie de revenir à du solide, disons de retrouver le plancher des vaches, ou celui des kangourous en l'occurrence, puisque qu'on parle de l'australien Peter Corris et de son détective Cliff Hardy, un privé-un vrai-un dur à cuire dans la plus pure tradition du roman noir.

Bonne nouvelle, d'autant plus que ça fait un moment qu'on n'avait plus de nouvelles du personnage (18 ans, j'ai vérifié), enfin pour les misérables unilingues comme moi... Car en Australie, la série se poursuit et compte désormais une quarantaine de titres. Huit ont été traduits en France, pourvu que les éditions Rivages poursuivent sur leur lancée !



Signé MountainS'il avait su où allait le mener cette simple histoire de véhicules volés, Cliff Hardy aurait-il accepté de rendre service à son pote Terry Reeves, qui tient une agence de location de voitures ?
Toujours est-il que Terry est pris à la gorge. Encore 1 ou 2 bagnoles qui disparaissent et c'est la clé sous la porte. Les types ont l'air organisés : potiches, faux papiers, noms d'emprunts... En visionnant les vidéos de surveillance, Cliff reconnaît l'un d'eux : Bill Mountain, un scénariste à succès alcoolo avec qui il a déjà bu quelques verres et eu quelques mots.

Voilà comment Cliff se lance à la recherche d'un écrivain raté qui s'est mis en tête de vivre tout un tas d'expériences - pas franchement licites - pour soigner son mal d'inspiration ! Seulement l'homme est insaississable, ce qui vaut peut-être mieux pour lui vu que pas mal de monde le cherche, et pas pour le chatouiller.

Evidemment, Hardy va en voir des vertes et des pas mûres, donner le coup de poing et en recevoir, se frotter au beau linge comme à des gros bras sans cervelle. L'ennui, c'est qu'il a souvent un wagon de retard ou du mal à l'esquiver, mais le bonhomme est coriace, comme je vous disais. La peau dure et toujours un bon mot à la bouche.




Ingrédients, dosages, temps de cuisson... Peter Corris connaît sa recette sur le bout des doigts, et ça marche à chaque fois : du rythme, des rebondissements, pas mal de contusions et des répliques qu'on a envie de recopier illico !

Rien de bouleversant ni d'exceptionnel, ok, mais vous passerez un bon moment, à tourner les pages sans vous en rendre compte et à vous marrer, en croisant au passage quelques énergumènes, comme cet agent littéraire ou cette vieille fille chez qui pour rien au monde on irait prendre le thé !


Jean-Marc devrait achever de vous convaincre.



Signé Mountain / Peter Corris (Deal me out, 1986, trad. de l'anglais (Australie) par Catherine Cheval. Rivages/Noir, 2010)

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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 11:11

La quatrième de couverture nous indique que Le résurrectionniste - premier roman publié en France de l'auteur australien James Bradley - s'inscrit dans la lignée des grands textes gothiques tels Frankenstein ou Dr Jekyll et Mr Hyde. On constate une certaine parenté, certes, mais... lointaine. 


Le jeune Gabriel Swift, fraîchement débarqué à Londres - nous sommes en 1826 -, fait son apprentissage chez le Dr Poll, éminent chirurgien. Pour poursuivre ses cours et son étude du corps humain, Poll et ses apprentis ont évidemment besoin de matière première : des cadavres.
Qu'il récupèrent en faisant appel aux résurrectionnistes, des pilleurs de tombes et bandits sans foi ni loi hantant les cimetières à la nuit tombée.
Gabriel, bientôt livré à lui-même et désargenté, va céder à l'influence néfaste de l'un d'entre eux, le sinistre Lacan. Une descente aux enfers jalonnée par des actes insensés.


A travers une langue riche et élégante, Bradley insuffle à ce récit d'épouvante une atmosphère à la fois lourde, lugubre et menaçante. L'ennui, c'est qu'on a l'impression de voir se dérouler l'histoire derrière une vitre. Attentif, mais pas vraiment concerné. Peu touché par les scènes de meurtres ou de profanation qui devraient pourtant nous remplir d'épouvante et de dégoût. Et surtout, peu soucieux du sort de Gabriel, qui sombre peu à peu dans les vapeurs de l'opium, la folie et le meurtre. A aucun moment ou presque, on ne partage son angoisse ni la sensation d'égarement qui l'étreint.

Pourquoi donc ? D'abord parce que l'auteur observe une froide distance vis à vis de son sujet, à tel point que Gabriel, le narrateur, semble même, à certains moments, étranger à sa propre histoire. Dans ces conditions, le lecteur a du mal à montrer quelques signes d'empathie...
Ensuite, Bradley ne nous en livre pas assez sur ses différents personnages, leurs liens et ce qui les anime. Adepte de l'ellipse, il suggère plus qu'il ne montre. C'est tout à son honneur et ça peut donner des textes magnifiques et aériens (il n'y a qu'à lire James Sallis), mais ça requiert un équilibre sans faille et et un talent d'orfèvre, au lieu de quoi tout se délite et s'effiloche. C'est ce qui se passe ici, et on a trop souvent la désagréable impression de n'avoir pas tout saisi. Question de dosage.

Pour finir, j'ai trouvé la seconde partie du roman, qui se situe en Australie, dix ans après les macabres événements londoniens, bien plus réussie et intéressante. Une excellente évocation - et bien plus vivante que les brumes londoniennes - d'une époque et d'un pays où l'empire britannique exilait ses condamnés de droit commun et ses prostituées.


Loin d'égaler ses glorieux prédécesseurs cités plus haut, ce résurrectionniste n'est pas pour autant un polar médiocre, loin de là. Seulement, s'il fait habilement étalage de chair putréfiée et de sentiments corrompus, il lui manque malgré tout ce supplément d'âme qui en aurait fait un vrai bon roman.

 
JM Laherrère est sensiblement du même avis, sur actu-du-noir.


Le résurrectionniste / James Bradley (The Resurrectionnist, trad. de l'anglais (Australie) par Julien & benjamin Guérif. Rivages/Thriller, 2009)

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5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 00:00

Voilà, Barack Obama vient d'être élu 44ème Président des Etats-Unis. Ca fait au moins une différence avec Australia Underground, dans lequel un républicain belliciste a remporté les élections américaines. Pourvu que ce soit bon signe et que l'avenir nous épargne la vision qu'en donne Andrew McGahan dans ce bon polar d'anticipation, bien rythmé et aux multiples rebondissements.


nullEt ça commence fort. 
Un typhon dévaste la côte australienne et un complexe touristique flambant neuf, au beau milieu duquel se trouve Leo James, la cinquantaine bedonnante, porté sur la bouteille et promoteur véreux qui a construit sa carrière en utilisant les réseaux de son Premier Ministre de frère.
Leo va passer une journée disons... éprouvante : à peine sorti de l'hôtel submergé par les flots, le voilà kidnappé par un groupuscule islamiste (au passage l'un des ravisseurs est... décapité !), avant d'être "sauvé" par la police militaire pour être finalement récupéré, comme un paquet de linge sale, par Australia Underground, un groupe clandestin luttant contre la dictature qu'est devenue l'Australie. Tout le monde s'intéresse à Leo James tout à coup, mais lui-même semble n'y rien comprendre...

Nous sommes en 2010, et ce sont des néo-conservateurs pur jus - au premier rang desquels le frère de Léo, qui l'a toujours détesté - qui dirigent le pays. Après le 11 septembre et surtout l'attentat terroriste qui a rayé de la carte la capitale Canberra, les lois sécuritaires se sont multipliées : enfermement des  musulmans dans des "enclaves culturelles" ceintes de miradors, pouvoir accru des forces de police et de l'armée, restriction des libertés individuelles ; nationalisme exacerbé, groupes patriotes, sentiment anti-musulman, surveillance accrue, paranoïa collective... N'en jetez plus !

J'avoue que les premières pages m'ont laissé perplexe. Des terroristes islamistes, des situations rocambolesques, un personnage vite ébauché dont les malheurs ne nous intéressent pas vraiment... Je craignai que le récit éclate en tous sens, dans un délire sans queue ni tête, ou pire, illustre ce concept douteux de "guerre des civilisations".
Mais ces craintes se sont vite dissipées. S'il part à toute vitesse, McGahan négocie bien les premiers virages de son intrigue et parvient ensuite sans mal à nous entrainer dans le sillage du pauvre Leo - qui gagne peu peu en épaisseur, bien qu'on entende trop souvent l'auteur lui-même discourir à sa place -, et à nous immerger en plein cauchemar.

Un cauchemar d'autant plus effrayant que le monde qu'il décrit, s'il est encore éloigné du nôtre, pourrait y ressembler un jour et que, par certains aspects, c'est déjà le cas !
Le parrallèle avec les Etats-Unis est flagrant, bien-sûr, qui ont voté la loi du Patriot Act juste après le 11/09, avec comme objectif de lutter plus efficacement contre le terrorisme, mais qui a aussi porté de sérieux coups à la liberté d'expression et d'opinion et au respect de la vie privée. Cela dit, pas la peine de traverser l'Atlantique pour trouver des signes de repli sur soi, de méfiance de l'étranger, de fierté nationale mal placée : il suffit d'avoir un Ministère de l'immigration ET de l'identité nationale. Sans compter ces fameux tests ADN qui ont soulevé la polémique il y a quelques mois, et qui ne sont pas sans rappeler les "tests de citoyenneté" évoqués dans le roman.
Bref, McGahan force le trait, extrapole, mais on a déjà goûté à certains des ingrédients qu'il utilise dans ce roman qui sonne comme un avertissement.

 Voici un des postulats qui a servi à la mise en place du nouveau régime décrit dans le roman :
"... quand les gens sont obligés de rogner sur tout pour financer leurs études, au moins ils ne perdent pas leur temps à manifester, à protester et à semer le désordre une fois en fac. Même chose pour les allocs : si elles étaient moins faciles à obtenir (...), les chômeurs remueraient ciel et terre pour trouver du boulot, comme il se doit. Quant à la sécu, eh bien, franchement, les traitements médicaux les plus avancés coûtaient une fortune, alors si cela signifiait que les meilleurs soins n'étaient accessibles qu'aux riches, soit, ce serait une motivation supplémentaire pour pousser la population à s'enrichir. Le secteur privé, l'utilisateur-payeur, c'était le principe." 

Pourvu que McGahan ne soit pas visionnaire...


Australia Underground
/ Andrew McGahan (Underground, 2006, trad. de l'anglais (Australie) par Laurent Bury. Actes Sud, coll. actes noirs, 2008)

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 11:00

Un maniaque qui kidnappe et torture des enfants.
Un flic intuitif, taciturne, hanté par son passé
Une ambiance urbaine crépusculaire…

Voilà quelques ingrédients du roman de Mark Henshaw et John Clanchy, qui avaient déjà mis en scène l’inspecteur Salomon Glass dans Si Dieu dort.
Du « réchauffé », me direz-vous, la vieille recette d’un énième « trileur » calibré, compassé, commun, encore alourdi par des personnages caricaturaux.

Et pourtant…
Alors que le « thriller psychologique » devient un argument marketing bien souvent galvaudé, ce tandem d’auteurs parvient à transcender les poncifs du genre, sans surenchère morbide, pour nous livrer un polar redoutable, à l'atmosphère lourde, hypnotique, exerçant sur le lecteur une véritable emprise .



OmbreChute.jpgAmy Gardner, neuf ans, a été enlevée. Ses parents reçoivent bientôt une boite contenant... sa lèvre inférieure. L’inspecteur Glass s’y attendait : en neuf mois, c'est le quatrième cas de ce genre. A chaque fois, le ravisseur mutile sa victime et propose un marché à la mère : sa vie contre celle de son enfant. Deux d'entre elles se sont déjà suicidées.
Bientôt Salomon Glass découvre qu’il fait lui aussi partie du jeu.


Le personnage de l’inspecteur Glass est particulièrement réussi. Il s’agit d’un être mystérieux, au charme ambigu, à l’égard duquel ses collègues éprouvent une fascination mêlée d‘une certaine appréhension. Un homme habitué à la présence des démons et qui dissimule des abîmes de noirceur et de mélancolie. Un flic saturnien… dont l’enquête s’apparente à une quête métaphysique..



Si le suspense, savamment distillé, est au rendez-vous, c’est la subtile trame psychologique qui donne à ce roman sa force et son originalité.
L’art de l’ellipse, le style épuré, jamais démonstratif du récit nous entraînent jusqu’aux tréfonds de la psyché humaine, acculant le lecteur contre ses propres barrières morales et le confrontant à son voyeurisme latent.

Si les deux auteurs sont australiens, l’intrigue se déroule dans une ville américaine, non nommée, un lieu anonyme, poisseux, qui rajoute encore au malaise et à la force d’attraction qu’exerce le roman.

Bref, une réussite que ce roman, susceptible de plaire aux amateurs les plus exigeants comme au grand public. Une petite musique inquiétante, entêtante, qui résonne bien après le roman achevé.

 

L’ombre de la chute / Mark Henshaw & John Clanchy (And hope to die, trad. de l'anglais (Australie) par Aurélie Tronchet. Bourgois, 2008)  

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