...un blog consacré au polar en général et au roman noir en particulier. Yann Le Tumelin
J'aime bien les p'tits clins d'oeil de l'existence.
Dimanche soir je termine La récup' (le sourire aux lèvres, comme souvent avec Pouy).
Lundi matin, j'allume la radio : Eva Joly (ancienne magistrate au pôle financier du parquet de Paris), est en train d'évoquer les paradis fiscaux, les flux financiers occultes, la corruption du pouvoir. Quelques minutes plus tard, à la question d'un auditeur concernant le journaliste Denis Robert, elle répond qu'en effet "un homme seul ne peut rien face à une multinationale".
Jean-Bernard Pouy, lui, a justement envie de faire comme si. Comme si un homme seul pouvait faire vaciller le pouvoir, et venger en même temps le "petit peuple", celui qui se fait toujours laminer, écraser d'une manière ou d'une autre par les puissants de ce monde.
Au moins le temps d'un roman. C'est déjà ça de pris. On l'aime bien pour ça, Pouy, ce côté populo-réfractaire et poil-à-gratter.
Le poil-à-gratter, en l'occurrence, c'est Antoine dit Loulou, artisan serrurier qui a semble-t-il frappé à la mauvaise porte. Un spécialiste des mécanismes anciens, ça ne court pas les rues, et une bande de russes ou assimilés est venue le chercher pour un boulot discret, une petite affaire de cambriole vite fait bien fait. Il s'était rangé Loulou, mais 10 000 balles, ça se refuse pas comme ça. Le hic, c'est que les russes le laissent sur le carreau, sur le quai d'une gare déserte pour être exact, à moitié dans le coma et sans une thune.
Une petite convalescence sur la côte bretonne, le temps de panser ses blessures et son amour-propre, et Loulou décide de foncer et de récupérer son dû. Toute peine mérite salaire, non ? Alors les Russkovs n'ont qu'à bien se tenir !
Mais n'est pas Lee Marvin qui veut, et on n'est pas au cinoche. Loulou ne se doute pas encore qu'il a foutu les pieds dans un sacré merdier. Avec comme points cardinaux Mafia, Politique et Business : un mini-triangle des Bermudes où notre serrurier-vengeur risque bien de disparaître.
Antoine fait partie de la longue lignée d'anti-héros francs-tireurs de Pouy, qui a le don de nous concocter des personnages toujours attachants et plus vrais que nature.
Et puis surtout, Pouy manie la langue française comme personne ; un vrai acrobate du langage, qui jongle avec les mots et les images avec aisance et fantaisie.
Le "Pouy-Fuissé", c'est un bon petit blanc, léger, festif, avec un goût de reviens-y, garanti sans mal de crâne et qu'on aime partager. (Res)servez-vous.
La récup' / Jean-Bernard Pouy (Fayard noir, 2008)
PS : la collection Fayard Noir vient de changer de look : bandeaux plus minces et priorité à l'image de couverture. D'accord, mais là, la photo de serrure lambda, moderne, ça ne colle pas vraiment, dommage.