Andrew Vachss est né en 1942, à New York. D'abord travailleur social, il s'est notamment occupé d'un centre de réinsertion pour délinquants, avant d'entamer des études de droit et de devenir avocat, spécialisé dans la défense des enfants victimes de violences sexuelles. Un fléau contre lequel il mène une véritable croisade, aussi bien dans son métier que dans ses livres et pour qui "l'écriture est un prolongement organique de [son] métier".
Vachss est surtout connu pour sa série consacrée à Burke, un privé coriace sans prénom et sans licence, ancien détenu, arnaqueur, en comparaison duquel la plupart des durs-à-cuire de l'histoire du polar passeraient pour d'aimables plaisantins.
Burke vit de petites combines (revendre à des nazis un enregistrement en yiddish de Simon Wiesenthal en leur faisant croire qu'il s'agit du dernier discours du fürher !, faire paraitre des annonces bidon pour recruter des mercenaires en Afrique, revendre des faux papiers...), et dans son bureau-bunker en compagnie de Pansy, un molosse de 70kg dont le pêché mignon est de regarder le catch à la télévision !
Quand il s'attèle à des affaires de viols d'enfants et de pornographie infantile, il peut compter sur sa bande d'amis, pour le moins pittoresques : Max le Silencieux, un tibétain muet expert en arts martiaux, Michelle le transexuel intello qui se prostitue et met de côté pour se faire opérer en Europe, Prophète le prédicateur des bas-fonds, la Taupe, petit être chétif spécialiste des explosifs et d'électronique vivant reclus dans une casse automobile...
Dans son Guide des 100 polars incontournables, Hélène Amalric évoque le New York de Vachss comme l'un des cercles de l'Enfer de La Divine comédie. On ne saurait mieux dire.
Flood est le premier roman de la série. Où l'on découvre Burke et son environnement, un New York apocalyptique et hyper-violent où semblent s'être donnés rendez-vous tous les tordus et fous dangereux du pays (il faut dire que la criminalité est très élevée à N.Y. durant les années 80), et qui n'est pas sans rappeler l'univers de certains romans d'anticipation cyberpunk comme Blade Runner. D'ailleurs, Flood est truffé de trouvailles et gadgets électroniques à la James Bond, dont se sert Burke pour se protéger ou tout simplement rester en vie.
Flood, c'est un p'tit bout de femme aussi dangereuse que déterminée à retrouver un violeur d'enfants. Avec Burke, et dans une atmosphère particulièrement oppressante, ils vont enquêter dans le milieu glauque et malsain du porno.
Dans le second opus de la saga Burke - Grand Prix de littérature policière en 1988 -, ce dernier est chargé de retrouver une photo porno sur laquelle apparait un garçon, afin qu'il puisse exorcicer le traumatisme subi. Il est engagé par la fille d'un parrain de la pègre, Strega la rousse, alias la Sorcière de Brooklyn, personnage équivoque et mystérieux, à mi-chemin entre la petite fille vulnérable et la tarentule, et qui subjugue littéralement Burke.
Nous voilà repartis dans les quartiers mal-famés de la Grosse Pomme. Prostituées, maquereaux violents, pornographes, sadiques et brutes en tous genres constituent la faune de cette jungle urbaine où le danger pointe à chaque page.
Débarrassé de l'aspect futuriste et des gadgets du premier opus, La sorcière de Brooklyn est encore meilleur que Flood, plus épuré, plus abouti et plus sombre.
Andrew Vachss a aussi écrit de nombreuses nouvelles, publiées en France par les éditions Rivages sous le titre Le mal dans le sang.
Découpées en grands chapitres. Dans celui intitulé Cross, on a affaire à un double de Burke, encore plus dur et impitoyable (si, si, c'est possible), qu'on engage pour régler "proprement" et "définitivement" certains problèmes, surtout quand il s'agit de pervers sexuels.
Le reste du recueil est à l'avenant, fangeux, et donne une vision assez juste de l'oeuvre et de l'univers de l'écrivain. Et si ces nouvelles sont de qualité plutôt inégale, certaines, comme la nouvelle éponyme ou Pose le pied sur une fissure, sont de petits bijoux.
La position de Burke, comme celle de Vachss d'ailleurs, aussi dure et discutable soit-elle, est celle-ci : les pédophiles sont des dégénérés qu'il faut éradiquer et aucune réhabilitation n'est possible avec ce genre d'individus. Un avis tranché qui vous gênera peut-être à la lecture de Vachss, d'autant plus que Burke, son double (celui qui s'est affranchi des règles et des lois ?), n'hésite pas à rendre la justice par lui-même, une justice sommaire et brutale.
D'un autre côté, la pornographie infantile est un thème rarement abordé dans la littérature policière, et Vachss le fait avec une force et une justesse qui forcent l'admiration, quand il traite de psychologie infantile ou quand il insiste, par exemple, sur le fait que la pédophilie n'a rien à voir avec l'homosexualité (un préjugé qui avait la vie dure dans les années 80, et encore aujourd'hui...). D'autre part, Vachss évite autant tout voyeurisme, et quand bien même les choses qu'il décrit feraient naître quelque fascination, voilà ce qu"il répond : "Je crois que, dès qu'on choisit d'écrire sur l'horreur et qu'on la reproduit dans le cadre d'une fiction, on prend le risque de l'ambiguïté et celui de fasciner le lecteur avec les choses dont on ne fait que rendre compte. Mais je ne vois pas comment faire autrement si l'on veut approcher une réalité pareille." (in Badlands)
Alors que ses romans, et notamment le cycle Burke remportent un grand succès aux Etats-Unis, où vient de paraitre le 18ème opus, Another life, Vachss reste méconnu en France, où les quelques traductions (dont les 4 premiers titres du cycle Burke) sont toutes épuisées, hormis un recueil de nouvelles. Si un éditeur passe par là...
Flood (Flood. Presses de la Cité, 1986)
La sorcière de Brooklyn (Strega. Albin Michel, 1988)
Le mal dans le sang (Born bad. Rivages, 1998)