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24 février 2010 3 24 /02 /février /2010 00:00
Les éditions Moisson Rouge nous ont encore dégoté un ovni, et celui-ci vient de Russie. "Vladimir Kozlov est né en 1972 à Moguilev (Biélorussie). "Comme tous les russes", il a grandi dans une cité prolétaire et fait ses études dans une école soviétique de l'ouest de la Russie."


Années 80, quelque part en URSS, ou plutôt ce qu'il en reste. Le cadavre communiste est encore chaud - certains jurent l'avoir vu bougé -, Gorbatchev est aux manettes de la perestroïka (la "Reconstruction"), et c'est toujours la même zone dans les cités pouilleuses où s'entassent des "prolétaires finis à l'urine".

racaillesDans un de ces ghettos made in URSS, bordé par une usine chimique et une rivière "orange-marronnasse", Koslov dépeint le quotidien d'une bande d'ados désoeuvrés, des branleurs sans éducation ni avenir.
On a donc affaire à Byk, Viek, Byr et Klok,entre autres, sans compter notre guide/narrateur, Gontsov, un peu plus fûté que les autres mais bien atteint quand même.

Horizon bétonné, aucune perspective et quelques lignes de fuite : la baise, l'alcool et la baston.
La baise triste et mécanique, et si la fille rechigne, on lui tape un peu dessus. L'alcool de contrebande ou le mauvais vin qu'on ingurgite par litres, on dégueule et on recommence. La castagne pour défendre les couleurs du quartier contre ceux d'en face. Quartier Cosmonaute, quartier Travailleur, quartier Pionnier, quartiers désaffectés qui suintent la misère, la promiscuité, le désespoir et la violence. 

Jungle urbaine à la soviet, et malheurs aux plus faibles. On rackette, on tabasse, on se biture, et puis demain on recommence. Quoi d'autre...
"En cours de russe, on doit composer une rédaction sur le thème "Qui je veux devenir plus tard". Je ne sais pas quoi inventer. Je ne veux devenir personne (...) Je sors."


Pas de trame ni d'intrigue, mais une succession d'épisodes - l'école, les virées, les bastons, de la cité à la Crimée en passant par le kholkoze... - relatés avec un apparent détachement face au sordide ou au scabreux, et surtout, avec un vocabulaire particulièrement restreint mais qui dit beaucoup.

Pas de sociologie, pas de "contextualisation", mais du brut, du cinglant et de l'immédiat, le tout sur un tempo rapide, désuni, free - Koslov parle au présent, et la réalité nous saute au visage.

Pas de discours ni de synthèse, mais la photographie éloquente d'une jeunesse en perdition dans un monde à l'agonie, tandis que le suivant n'est pas encore né.
Un no-man's land, une faille temporelle, et quelques silhouettes qui dérivent...


Racailles / Vladimir Kozlov (Gopniks, trad. du russe par Thierry Marignac. Moisson Rouge, 2010)

Gontsov n'arrête pas d'écouter les Modern Talking... (ça a vieilli, quand même, on va le dire comme ça...)
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