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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 00:00

Cet article sur la blogosphère polar a été rédigé pour la revue Bibliothèque(s) de l'ABF (Association des bibliothécaires de France) et son numéro de juillet 2011 consacré à l'"Univers noir".
En attendant de reprendre les chroniques de livres, j'en profite pour vous souhaiter de bonnes fêtes.



La blogosphère littéraire est devenue un véritable phénomène, au point d’entamer le monopole de la parole journalistique. On pourrait paraphraser Clémenceau : « La critique est une chose trop sérieuse pour la confier à des journalistes ». Les critiques ont le blues, nous dit-on, « ... la faute à internet. Si les blogs, sites et réseaux sociaux servent désormais à faire la révolution, celle-ci n’épargne pas le journalisme littéraire. En ligne, n’importe qui est critique littéraire en ne s’autorisant que de soi-même ; la prescription des livres s’est donc diluée dans la vaste toile, partagée entre des milliers d’internautes qui sapent ainsi l’autorité de ceux qui faisaient autrefois la pluie et le beau temps dans les librairies. » (Pierre Assouline, Le Monde des Livres, 25/02/11)

Pour ce qui a trait aux littératures policières, on est en droit de se demander sur quoi repose cette supposée « autorité ». Longtemps réduit à une sous-littérature, le polar a depuis quelques années gagné en légitimité mais reste globalement ignoré des médias traditionnels, ou pour le moins abordé de façon superficielle, même si quelques bons papiers émergent ici et là. Lorsqu’ils n’entament pas le refrain : « c’est plus que du polar ! » - le mépris a fait place à la méprise -, ils se contentent le plus souvent de renvoyer l’écho des dernières modes (vague nordique en tête), élaborent des  « dossiers polar » sans saveur, accumulent généralités et approximations, autant d’indices qui témoignent sinon d’une ignorance flagrante, du moins d’un relatif désintérêt.
Tandis que les radios, les (rares) émissions télévisées, la presse écrite – générale ou même spécialisée –  ne lui accordent que peu de place, internet est un terrain fertile. De nombreux passionnés, érudits ou simples lecteurs désirant partager « sans prétention » leurs lectures, investissent les forums, rejoignent des communautés, créent leur propre espace.


image1_du-noir-sur-la-toile.jpg                                                                      © Ram

S'il ne représente qu’une faible part de la blogosphère littéraire, le nombre de blogs/sites francophones consacrés exclusivement au polar a fortement augmenté ces dernières années. On en recense actuellement une soixantaine [ce nombre a encore augmenté depuis la rédaction de ce billet], plus ou moins spécialisés, plus ou moins prescripteurs, plus ou moins consistants.

Ils séduisent des lecteurs avides de conseils et sensibles à une certaine forme de convivialité. Ils attirent aussi l’attention des éditeurs qui, sans qu’ils puissent mesurer précisément son impact sur les ventes, mettent en œuvre différentes stratégies marketing (jeux-concours, marketing viral), inondant au passage les critiques en herbe de services de presse afin de créer ou d’alimenter le « buzz ».Si elle s’est en partie substituée à la « critique officielle », il convient néanmoins de nuancer la portée et l’intérêt intrinsèque de cette nouvelle agora.


D’abord, si leur modeste influence (leur audience demeure assez faible) les préserve plus sûrement des jeux de pouvoirs et des « renvois d’ascenseur », les blogueurs sont-ils pour autant immunisés contre le copinage ou l’indulgence coupable ? Par ailleurs, l’architecture même du blog, son instantanéité, sa vocation à être fréquemment actualisé, « annulant » à chaque nouvelle publication l’article précédent, incite inconsciemment à considérer le texte comme une entité propre et auto-suffisante, sans qu’il s’inscrive dans une perspective, un contexte littéraire ou historique. Parallèlement, malgré l'interactivité propre à ces nouveaux outils, ils ne suscitent pas nécessairement de substantiels débats, les commentaires se réduisant le plus souvent à l’équation « d’accord/pas d’accord ».

Enfin, ils offrent un paysage contrasté : si certains livrent une véritable analyse, portent un jugement argumenté, dégagent une problématique, établissent des liens et une mise en réseau, d’autres, a contrario, se contentent trop souvent de raconter le livre plutôt que de le critiquer, font un usage frénétique du smiley (« j’ai adooooré ce livre :-))) »), labourent sans cesse le même champ lexical (« haletant », « frissonner », « jubilatoire »…) ou versent systématiquement dans l’enthousiasme béat.

A ce propos, une lectrice laissait sur mon blog, il y a quelques mois, le commentaire suivant : « Le fait est qu'il faudrait faire un sacré point sur l'intérêt de créer un nouveau blog littéraire aujourd'hui (quelque type de littérature que ce soit). Des blogs constitués de listes de soi-disant critiques de livres, le web en est déjà rempli, sans parler des gros sites communautaires de bibliothèques personnelles en ligne, cathédrales froides pleines de listes de "livres préférés". »
Gageons malgré tout que si la quantité ne fait pas la qualité, elle permet toutefois au bibliothécaire de multiplier les sources d'informations, de trier, de comparer les points de vue, d’enrichir la veille documentaire. Surtout, ces multiples ressources doivent lui permettre de se repérer dans le véritable maquis qu'est devenu ce marché éditorial, de le défricher, d’en explorer les versants les moins empruntés – premiers romans, « petites » maisons d’édition… –, afin que la collection reflète toute la richesse et la diversité du genre.


La surproduction éditoriale entraine d'ailleurs des effets pervers : la multiplication des éditeurs et des collections, associée à la hausse quasi-continue du nombre de parutions – entre 1500 et 2000 titres par an – entraîne un problème de lisibilité de l'offre, par un turn-over implacable sur les tables des libraires et une "espérance de vie" des nouveautés de plus en plus courte. Un livre a donc moins de chance de "trouver" son lecteur, d'autant plus que le tirage moyen, lui, diminue. Par ailleurs, l'immense succès commercial qu'il rencontre en fait un secteur florissant et donc sensible aux logiques de marché et à certaines "recettes narratives" supposées répondre (précéder ?) aux goûts du public.

Au final, si « abondance de biens ne nuit pas », encore faut-il les hiérarchiser.

 

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 00:00

Une nouvelle revue consacrée au polar vient de voir le jour :

"Alibi est un nouveau concept, entre le magazine et la revue, entre le livre et la presse. En 148 pages, ce "magbook" a l'ambition de raconter le monde à travers le prisme "polar"."


Aux manettes : des journalistes et passionnés du genre, Marc Fernandez, Jean-Christophe Rampal (qui avaient signé un roman à quatre mains chez Moisson Rouge en 2008), Paolo Bevilacqua entre autres, accompagnés d'une flopée de contributeurs (Hervé Delouche, Hubert Prolongeau, Claude Mesplède, Clémentine Thiebault...). 

Du fait divers à l'histoire criminelle (l'affaire Guy Georges, celle du "Monstre de Gênes") en passant par l'actualité judiciaire (Eric Halphen évoquant les jurés populaires), de la littérature au cinéma en passnt par la télévision, Alibi mélange fiction et réalité, et donne la parole à des écrivains, des scénaristes, des magistrats, des flics...

Interviews (R.J. Ellory, François Bayrou !), rencontres (Marcus Malte, Abdel-Hafed Benotman...), portraits, reportages (à Edimbourg sur les traces de John Rebus, déjà-vu mais pas mal fait), photos (les maras par le regretté Christian Poveda), notules (livres, musique, cinéma), et encore beaucoup de rubriques que je vous laisse découvrir.

Alibi0001 

Pas grand-chose à redire sur ce numéro, si ce n'est deux petites choses : un dossier central qui ne "ressort" pas assez à mon sens, et l'absence de la traditionnelle nouvelle inédite.

Certains ajouteront le prix. A 15€ le numéro, ce n'est pas donné, c'est vrai, mais on en a tout de même pour son argent, non ?
Par ailleurs, l'objet est assez beau. Format singulier (19X23), papier mat agréable au toucher, qualité des images, quadrichromie...


Bref, cet Alibi tient la route. A voir sur la durée, maintenant.


En vente dans les librairies et grandes surfaces culturelles, ainsi que sur abonnement (sans réduction, dommage...). (http://www.alibimag.com)



Et puisqu'on parle de revues, sachez aussi que le numéro 8 de L'Indic est prévu pour bientôt, avec un dossier consacré à la prison. On y trouvera aussi une interview de DOA/Manotti ainsi qu'une nouvelle inédite de Richard Stratton, l'auteur du magnifique L'idole des camés.

 

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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 00:00


revue La mort des autresL'association Les Habits noirs vient de sortir une revue, un numéro "double (?) et unique". Son titre : La Mort des Autres.


Auteurs, illustrateurs, photographes et d'autres - membres ou non - ont donc planché sur le thème. Certains ont pu être plus inspirés que d'autres, en tout cas j'ai particulièrement aimé les nouvelles de Philippe Huet et de Sébastien Gendron - qui imagine une mort bien peu glorieuse pour le grand écrivain américain Norman Mailer, les ingénieuses vignettes de Matthieu Renard (cf ci-dessous), le court article de Patrick Bard sur le rapport qu'entretiennent les Mexicains face à la mort, ainsi que le diaporama de plaques mortuaires de Stéphanie Delestré et Clémentine Thiebault, où s'affiche l'affliction des proches ("regretté", "...un ange", "A notre ami"...), et cette question : Mais où enterre-t-on les salauds ?

On y trouvera aussi une très tentante recette de cocktail - L'Enuclée -, un savoureux menu pour dîner de squelette, des fausses publicités ("Viatrepax, mourrez comme vous voulez !"), entre autres...

Le tout - accompagnez si vous le désirez d'une play-list, à écouter sur leur site - donne une sorte de pot-pourri, décalé, souvent drôle, un peu foutraque et plein d'imagination, une boîte à surprises, et un bel objet (qualité du papier, format...), ce qui ne gâche rien.

Ah, j'oubliais, c'est une tampographie de Sardon qui ouvre le numéro. Si vous ne connaissez pas son travail, allez immédiatement faire un tour sur son site, c'est un ordre !


Numériser0004                                                              

Le numéro est vendu 10€, disponible dans les librairies parisiennes Terminus Polar (1 rue Abel Rabaud, XIe) et L'Humeur Vagabonde (44 rue du Poteau, XVIIIe), ou à commander sur le site des éditions Baleine.


La Mort des Autres /  textes, dessins, photos, bédés inédits de Patrick Bard, Laurence Biberfeld, Paul Bloas, Lionel Chauveau, Jean-Christophe Chauzy, Sophie Couronne, Stéfanie Delestré, Cyrille Derouineau, Eric Deup, Caryl Férey, Arnold Gendron, Sébastien Gendron, Frantz Hoez, Philippe Huet, Yohanne Lamoulère, Pierre-Yves Marzin, Olivier Michel, Isabelle Péhourticq, Chantal Pelletier, Joe G. Pinelli, Jean-François Platet, Jean-Bernard Pouy, Iris Pouy, Matthieu Renard, Sardon, Clémentine Thiebault, Raphaël Thiebault, Olivier Thomas, Antonin Varenne, Erwann Venn, Marc Villard et Alain Weill.

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4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 09:58

Le nouveau numéro du magazine Lire est un "spécial polar", comme tous les ans à la même époque. L'année dernière, j'avais déjà bien égratigné leur dossier, alors je ne vais répéter les mêmes choses (à savoir qu'en gros, ils ne se foulent pas beaucoup), sinon on va dire que je m'acharne !


Vous trouverez donc dans ce numéro :

- une sélection des 10 meilleurs polars de l'année. On y croise Craig Johnson, William Gay, Larry Beinhart... (tiens, ils parlent de
Savemore, tant mieux, voilà de quoi passer un très bon moment).


- un extrait du dernier roman de Mo Hayder (comme l'année dernière) ; quelques planches du prochain Manchette/Tardi, La position du tireur couché (sortie le 09 novembre, et ça promet !)

- dans la rubrique "l'univers d'un écrivain", on a droit à ce qui va bientôt devenir un marronnier en soi : à Venise avec Donna Leon.

- un article sur les "tueurs en série(s)", ou le boom des séries policières (surtout américaines).

- un autre sur "les sept familles du polar" (thriller, polar historique, roman noir, polar fantastique...) avec quelques références et pointure du genre : Tony Hillerman pour le "polar des grands espaces" (avant c'était pour le polar ethnologique, ça change, que voulez-vous...), Qiu Xialong pour "le polar exotique" (bel exemple d'ethnocentrisme), Naïri Nahapétian pour "le roman d'énigme" (ah bon ?!)... Bon, je ne voudrais pas me montrer trop négatif, Lire cite aussi Hammett, Highsmith ou Poe, et les met même dans les bonnes cases ! Si tant est que ce jeu des sept familles soit pertinent. Cela dit, ça peut donner quelques indications au lecteur lambda, c'est vrai.

Un autre truc qui m'a gêné, c'est l'encart et le coup de pub pour la collection Belfond Noir en plein milieu du dossier. Moyen.


Enfin, tout n'est pas si... noir, et je dois dire que j'ai bien aimé l'article de Christine Ferniot,  qui traite du succès et de la diversité d'un genre dont on ne met plus en doute la valeur littéraire, sans oublier d'évoquer les enjeux éditoriaux.

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 13:59

... une "profession intermédiaire" et habitant à Paris intra-muros.

Non, il ne s'agit pas d'une petite annonce matrimoniale... mais du portrait-robot du lecteur (de la lectrice, pour le coup) de polars, d'après les résultats de l'enquête 2008 sur les pratiques culturelles des Français que le Ministère de la Culture et de la Communication vient de mettre en ligne.
Cette enquête de grande ampleur a lieu tous les dix ans environ (1973, 1981, 1989, 1997 et donc 2008) et permet de mesurer assez précisément - à l'aide d'une méthodologie solide à défaut d'être infaillible, évidemment - l'évolution des usages culturels (sorties et loisirs, écoute de musique, lecture etc...).

Le sociologue Olivier Donnat a donc ressorti le thermomètre, et le résultat des analyses n'est pas très réjouissant, en tout cas en ce qui concerne les pratiques de lectures.
Quelques données :
- sur 100 français de 15 ans et plus, 30 n'ont pas lu un seul livre au cours des douze derniers mois, contre 26 en 1997.
- de la même façon, le nombre de forts lecteurs (25 livres et plus lus au cours des 12 derniers mois) diminue et passe de 15 à 11%. Un chiffre à tempérer cela dit, puisque "cette tendance, dont l'origine est (...) bien antérieure à l'arrivée de l'internet, a continué à peu près au même rythme que lors de la décennie précédente". On se console comme on peut...
- sur 100 lecteurs ayant répondu à la question : "Au cours des 12 derniers mois, combien de livres avez‑vous lus environ, en tenant compte de vos lectures de vacances ? (On exclut les lectures professionnelles et les livres lus aux enfants)", on obtient un nombre moyen de livres lus de 16, contre 21 en 1997.
- plus inquiétant encore, à mon sens, "les différences entre milieux sociaux (...) ont eu tendance à se creuser au cours de la derière décennie du fait du décrochage d'une partie des milieux populaires, notamment ouvriers".
- une autre tendance qui se creuse, c'est celle entre les femmes et les hommes, qui étaient 30% à n'avoir lu aucun livre en 1997, contre 36% aujourd'hui, tandis que le chiffre passe de 24 à 25% pour les femmes. "Ces dernières sont donc plus nombreuses à lire des livres et de plus, quand elles le font, elles en lisent plus que les hommes (17 livres par an en moyenne contre 14)".


Pour revenir plus spécifiquement au polar - ou "romans policiers ou d'espionnage" comme il est mentionné -, on constate notamment que :
- c'est ce qui se lit le plus, juste après les livres pratiques (sur 100 personnes, 39 ont lu au moins 1 polar au cours des 12 derniers mois).
- il attire un lectorat majoritairement féminin (40% de femmes contre 37% d'hommes).
- le niveau de diplôme n'est pas déterminant pour cette littérature (cela confirme l'aspect populaire, plus accessible - moins intimidant ? - du polar).
- les premiers lecteurs de polars sont les "anciens ouvriers", avant ceux exerçant une "profession intermédiaire" et les "cadres et professions intellectuelles supérieures".

A la lecture des résultats, on se rend compte aussi que le polar ne crée guère de clivage significatif entre différentes catégories de personnes (que ce soit selon leur âge, leur lieu d'habitation, leur situation familiale...), au contraire par exemple de la bande-dessinée ou de la littérature classique. 


Des chiffres et des conclusions intéressantes donc, qui montrent une fois de plus que le polar a la cote, c'est certain, et je ne peux que m'en réjouir. Alors bien-sûr, je me doute que les thrillers, les romans d'espionnage ou "higginsclarkiens" (attention, je n'ai rien contre eux, c'est simplement que ce n'est pas ce que je préfère) occupent une grande part de ces "romans policiers ou d'espionnage", et que derrière une Vargas ou un Lehane, le roman noir est une portion congrue. Alors ? Alors raison de plus pour continuer à en parler !


cf notamment :
genres de livres lus le plus souvent
genres de romans (autres que policiers) lus le plus souvent
genre de livre préféré
nombre de livres lus au cours des 12 derniers mois

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5 juillet 2009 7 05 /07 /juillet /2009 00:00
"Les romans policiers (...) sont souvent d'une valeur morale, humaine et même littéraire très douteuse." (Le Monde, déclaration de Jean-Paul II, 18 juillet 1972)


Les éditions du Cavalier bleu viennent de publier un petit livre sur le polar, dans sa collection idées reçues.
Première réflexion : le polar y a toute sa place !, tant les préjugés concernant cette littérature (ferroviaire, comme disait Manchette) sont tenaces, et même si le genre a gagné en respectabilité (tiens, on pourrait encore parler de Manchette...).

La chasse aux clichés a été confiée à Audrey Bonnemaison - "directrice d'une agence de communication éditoriale spécialisée dans les cultures populaires", nous dit-on, et "amatrice de catch mexicain" ! - et Daniel Fondanèche, auteur notamment il y a quelques années d'un ouvrage de référence sur les "paralittératures".


En une centaine de pages, les deux auteurs reprennent et arrangent toute une série de refrains bien connus, parmi lesquels :
"Le polar est sexiste"
"Le héros trouve toujours le criminel à la fin de l'histoire"
"Les polars sont pour les détraqués" (je l'avais jamais entendue celle-là !)
"Les polars sont mauvais pour les enfants"
"Le polar, c'est du sexe et du crime"
etc...

Ils décortiquent, développent, synthétisent, argumentent, exemples à l'appui (dommage qu'il n'y ait pas davantage de références récentes) et, finalement, remettent quelque peu les pendules à l'heure en même temps qu'ils donnent quelques repères historiques.


Ils prêchent à des convaincus, me direz-vous ! D'accord, mais ce bouquin s'avère aussi intéressant et instructif pour le connaisseur. Personnellement, je n'en savais pas autant sur les paperbacks et les illustrateurs de couverture, par exemple.

Et puis, ce qui ne gâche rien, le ton souvent léger, ironique, ou même provocateur, rend la lecture bien agréable. On sent que les auteurs se sont amusés à écrire ce livre, et leur plaisir est communicatif.


En fin d'ouvrage, on trouvera quelques outils : une bibliographie "pour aller plus loin", une autre sur le film noir, ainsi que quelques adresses utiles - bibliothèques spécialisées et sites internet.
Une liste de références un peu légère, mais l'essentiel n'est pas là : voilà un livre qui remplit très bien son office, et contribuera certainement à rétablir quelques vérités, à dissiper des malentendus et à redorer l'image du roman noir.


Le polar / Audrey Bonnemaison & Daniel Fondanèche (Le Cavalier bleu, Idées reçues, 2009)

PS : à l'occasion de la parution de ce livre, l'infatigable Bernard Strainchamps de Bibliosurf réalise une enquête auprès des lecteurs. C'est ici.
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1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 17:06

J'ai déjà eu l'occasion de vous parler de la collection Suite noire dirigée par Jean-Bernard Pouy, créée en hommage à la Série Noire et publiant des textes courts (une centaine de pages) d'auteurs ayant eux-même été édités dans la prestigieuse collection.
La collection rassemble actuellement 32 titres, aux titres détournés (et parfois fleuris) tels que The big slip, Tirez sur le caviste ou Les fans sans balance.

Marc Villard (qui a aussi publié dans cette collection) m'en avait parlé il y a peu : 12 textes de Suite Noire vont être adaptés pour la télévision et diffusés cet été sur France2 (vive le service public !), le dimanche en seconde partie de soirée. 
Chaque film dure 1 heure, "un petit noir bien serré puisant dans les codes de la série B, déclinant les nuances du film de genre, du grand-guignol à la critique sociale en passant par la fable morale (ou immorale), le macabre ou le sentimental."
Alléchant. Pour en avoir lu quelques-uns - sans jamais avoir été déçu, même s'ils sont de qualité inégale -, j'ai hâte de voir ce que ça va rendre à l'écran.

Et ça commence
dès dimanche prochain, avec On achève bien les disc-jockeys, texte de Didier Daeninckx, réalisation d'Orso Niret.
Suivront notamment : Vitrage à la corde (Colin Thibert/ réal. Laurent Bouhnik), Quand la ville mord (Marc Villard/ réal. Dominique Cabrera), La reine des connes (Laurent Martin/ réal. Guillaume Nicloux), Envoyez la fracture (Romain Slocombe/ réal. Claire Devers)...

Toutes les informations (castings, synopsis, interviews...) sont sur le site des éditions La Branche.


Avant-goût : bande-annonce de Tirez sur le caviste (Chantal Pelletier, réal. Emmanuelle Bercot)

 

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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 14:26



Ce mois-ci (et comme chaque printemps), le magazine Lire consacre un dossier au polar. Tant mieux !, me direz-vous, d'autant plus que la revue touche quand même un public assez large.
Seulement, et au risque de paraître rabat-joie ou grincheux, je trouve ce dossier à la fois plutôt pauvre, maladroit et représentatif, hélas, du traitement infligé à cette littérature par les médias traditionnels (attention, je ne dis pas qu'internet est la panacée) : au pire, ignorée ou réduite à une quelconque paralittérature ; au mieux, traitée de façon superficielle et souvent réductrice.


Au programme de Lire ce mois-ci, on a donc :
- un article intitulé "polar polaire" et consacré au... polar nordique, évidemment. Rien à dire sur la qualité de l'article - Christine Ferniot donne quelques repères historiques et dresse un panorama des auteurs majeurs (Mankell, Nesbo, Edwardson, Indridason...) -, mais il serait peut-être temps de regarder un peu ailleurs. Ça fait déjà un moment que le succès du polar nordique n'est plus un phénomène nouveau et qu'au lieu de nous pondre une énième enquête sur le genre, on pourrait nous proposer quelque chose sur le polar latino-américain ou asiatique !

Après avoir révisé ses désormais "classiques", on passe au clou du dossier : le " Nouveau Polar Nihiliste" français (avec majuscules s'il vous plait, genre formule estampillée-certifiée-décrétée). On y croise pêle-mêle DOA, Jérôme Leroy, Mathias Bernardi, Thierry Marignac et Antoine Chainas. Ces derniers, donc, tenteraient "de se démarquer du courant social, fortement marqué à gauche, autour (notamment) de Jean-Bernard Pouy, Didier Daeninckx et Patrick Raynal."
On sent arriver la question-tarte-à-la-crème : y a t-il une écriture politique du polar ? Untel serait de droite, parce ses romans sont truffés de barbouzes ? A moins que sa critique implicite du système néo-libéral n'en fasse en réalité un homme de gauche ? Mais qu'est-ce qu'on s'en f... ! Et si on va par là, Céline avait beau être un fieffé salaud, son Voyage au bout de la nuit reste un chef d'oeuvre. Bref, ça me semble un débat un peu stérile.

Et le nihilisme ? Je viens de terminer le dernier roman d'Antoine Chainas, et si l'on peut dire effectivement qu'il y a quelque chose de nihiliste dans ses histoires, je doute qu'on puisse le réduire à cela ni mettre tous les auteurs mentionnés plus haut dans le même sac. Il aurait été plus utile à mon sens de tenter d'expliquer l'originalité et le talent novateur de ces écrivains plutôt que d'inventer (encore !) une pseudo nouvelle école. D'ailleurs, je me demande bien ce qu'ils en pensent de cet article...


Le dossier se poursuit avec "Les 10 meilleurs polars de l'année". Bon, ça sonne bien comme formule, c'est court, clair, net. Juste une précision : il s'agit plutôt d'une sélection 2009 établie à partir des différents genres du polar : on y trouve du roman noir (Stephen Carter, Carlos Salem), du policier (Connelly), du polar historique (Tran-Nhut), de l'espionnage (Philippe Kerr, Otto Steinhauer), du suspense (Ruth Rendell)...
Sinon, quid de Lehane, de Bialot, de... Chainas ? Ok, si on commence à discuter du choix des titres, on en a pour la nuit...

On continue avec Iain Rankin. Lire est parti à sa rencontre dans sa ville d'Edimbourg, en a ramené quelques photos (Rankin devant son ordinateur, Rankin au pub, Rankin devant sa bibliothèque...) et quelques renseignements sur la vie et les goûts du créateur de l'inspecteur Rebus. Rien de transcendant, mais une visite plaisante pour les amateurs de Rankin ou ceux qui aiment à découvrir un peu la personnalité des écrivains.

Viennent enfin, comme c'est l'habitude - tant mieux - dans cette revue, quelques extraits de textes : on peut se faire une idée de la nouvelle traduction de Moisson rouge d'Hammett, du nouveau roman de Mo Hayder et du Dashiell Hammett mon père, réédité chez Rivages.


J'ergote, diront certains. Peut-être avec raison.
Lire s'intéresse tout de même à une nouvelle génération d'auteurs. Oui, c'est vrai.
Voici un dossier qui va amener des lecteurs à découvrir des textes intéressants. Sans nul doute.
Il ne s'agit pas non plus d'une revue spécialisée polar, et elle s'adresse au "grand public". D'accord.

Mais je persiste à penser que ce dossier aurait pu être plus approfondi, riche et nuancé sans pour autant être trop spécialisé, trop pointu. Et qu'il aurait pu, surtout, éviter les slogans creux, les chemins rebattus et les raccourcis faciles...


Allez, on se retrouve bientôt pour parler d'Anaisthêsia, du nihiliste d'Antoine Chainas, qui serait parait-il un "anti-Olivier Besancenot" ! Edifiant, non ?!

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 00:00

Mille sept cent quarante neuf...
1749... C'est le nombre de romans policiers parus l'année dernière ! Ce qui représente une augmentation de près de 11% par rapport à 2007, quand la production globale augmente de 5,3% et celle de la littérature (jeunesse comprise) de 7%.

D'accord, il ne s'agit pas que de nouveautés*, mais tout de même ! Depuis les années 90, on observe, chaque année, une nette hausse des publications. 471 parutions en 1994, 1729 en 2001, un pic. Record battu en 2008 donc. Une explosion de titres due notamment au succès du genre auprès du public, à l'augmentation du nombre d'éditeurs ainsi qu'à la diminution des coûts de fabrication et d'impression.

C'est simple : 1 roman édité sur 5 est un polar. Pour ce qui est des ventes, ce serait plutôt 1 sur 4. Un dernier chiffre : sur les 50 meilleurs ventes de romans en 2008, 16 sont des polars (et surtout des thrillers). 
De quoi attiser l'intérêt des maisons d'édition. Certaines qui n'avaient aucune tradition de polar se mettent subitement à en publier, se contentant la plupart du temps de traduire des thrillers anglo-saxons bien sanglants. Du "gros qui tâche". D'autres portent un intérêt réel au genre et font un véritable travail de prospection. Pas toujours simple de les distinguer pour le profane...

Nouveaux éditeurs, nouvelles collections, offre éditoriale riche et variée (parfois avariée, aussi). On peut s'en féliciter bien-sûr : le polar a gagné en légitimité et remporte un vif succès.


                                                                           ©Ramor

Maquis éditorial
La surproduction a cependant des effets pervers, notamment un problème de lisibilité de l'offre, par un turn-over implacable sur les tables des libraires et une "espérance de vie" des nouveautés de plus en plus courte. Un livre a donc moins de chance de "trouver" son public, d'autant plus que le tirage moyen, lui, diminue.

Plus globalement, elle entraîne aussi des logiques de concentration éditoriale : les grands groupes gardent la main pour racheter des auteurs ou des droits de traduction, souvent à des tarifs exorbitants et en tout cas dissuasifs pour n'importe quelle petite structure.
D'autre part, voilà un secteur florissant et donc sensible aux logiques de marché et à certaines "recettes narratives" sensées répondre aux attentes du public. Le risque étant l'émergence d'une littérature calibrée et "molle".
Pour résumer, la surproduction entraîne surtout du "plus" et pas forcément du "mieux".


* ce chiffre comprend les nouveautés, mais aussi les nouvelles éditions revues et augmentées, et les rééditions en poche (sources : Livres-hebdo) 


Pour que ce billet ne soit pas seulement une litanie de chiffres et de concepts austères, j'ai demandé à un libraire de me donner son point de vue sur la question, son ressenti.

Un grand merci à Christophe Dupuis, de la librairie Entre-Deux-Noirs, spécialisée dans le polar, qui m'a répondu de fort belle manière ! Voici son papier :

"Ha, cette avalanche de livres qui encombrent les rayons, quelle triste vie… Pour beaucoup, ça fait partie du jeu (il serait vraiment temps de remettre ce foutu circuit du livre à plat), pour le libraire, c’est l’enfer… que ce soit au niveau de la place ou à celui de sa trésorerie…
  
La surproduction éditoriale touche tous les secteurs de l’édition (pour vous en convaincre, prenez le sujet le plus pointu auquel vous pensez et regardez combien de livres sont sortis dessus en 2008) et le polar en fait les frais actuellement. C’est pas dur à comprendre, dès qu’un secteur marche bien, les éditeurs s’y engouffrent (souvent avec une méconnaissance assez surprenante).

Alors, le polar et la surproduction, comment ça marche ? Pour nous, ça va, merci (enfin tout n’est pas rose, mais au moins on a réussi à fermer le robinet des nouveautés). On résiste de notre côté en refusant les offices (les nouveautés en vrac que vous envoient les éditeurs) et en travaillant bien avec nos représentants (des gens de qualité, qui connaissent leur métier, qui savent de quoi ils parlent… ce qui se perd de plus en plus – je n’ose pas imaginer ce qui va m’arriver le jour où mon repré de chez Gallimard partira). Ce qui fait qu’on prend peu de titres (un tri drastique pourrait-on dire), mais en connaissance de cause et en sachant qu’on pourra les défendre. C’est plus dur comme métier, faut chercher l’information et lire les livres qu’on veut vendre pour être à même d’en parler… mais quitte à peu gagner d’argent, autant se faire plaisir…

En plus, on ne court pas après la nouveauté, on ne vend que ce qu’on aime et quand on aime, on ne compte pas. Pour exemple, le magnifique “Le feu sur la montagne“, d’Edward Abbey, paru chez Gallmeister en janvier 2008, est resté sur notre table toute l’année. C’est ça, à mon avis être libraire aujourd’hui. Poser sa patte sur sa librairie, faire des choix, les assumer et essayer de présenter des rayons qui ressemblent à quelque chose… Car sinon, à quoi bon faire ce métier. Etre un “pousse-livre“ ? recevoir des tonnes de livres dont on ne sait que faire ? qu’on ne sait où ranger ? qu’on vire des tables tous les mois car les nouveautés suivantes arrivent ? courir après les opérations commerciales qu’on voit dans toutes les librairies au même moment ? vérifier la liste des best seller des journaux pour savoir que vendre ? N’avoir que des produits calibrés susceptibles de plaire au fameux client moyen ? stop, stop, stop… C’est pas comme ça qu’on voit le métier à la librairie.

Et n’y voyez aucun sentiment de supériorité, d’élitisme ou de snobisme (j’anticipe car depuis 9 ans que je fais ça, j’en ai entendu de toutes les couleurs), c’est juste ma conception de la librairie. Il y a plus de 62 000 livres (tous secteurs confondus, of course) qui sont sortis l’année dernière et je ne sais combien de polars (les statistiques sont trop déprimantes). Notre idée c’est juste défendre des titres qu’on aime et tenter de les faire lire au lecteur. C’est pas toujours facile : il y a un très bon papier sur ce site sur “La confrérie des mutilés“, magnifique livre, mais il faut trouver le lecteur… on cherche, on cherche et ça fait partie des livres qui, je trouve, résument bien notre engagement à la librairie."

 

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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 00:00

Le second numéro de L'indic vient de paraitre ! Plus de 30 pages d'infos sur le polar avec, au menu : un dossier polar/banlieue, une interview croisée de JB Pouy et de JH Oppel, un chouette article sur ADG, et plein d'autres choses encore, dont quelques critiques de Claude Mesplède.


L'association Fondu au noir a vu le jour en 2007, sous l'impulsion de deux passionnés, Emeric Cloche et Caroline de Benedetti (qui sévissent aussi sur le blog du Dj Duclock), avec pour but "la promotion du "polar" et du "noir" sous toutes ses formes sur la région Loire-Atlantique, en organisant des rencontres, des festivals, des conférences, des projections cinématographiques et en publiant un magazine."
Sur le blog de l'association, vous trouverez notamment un reportage vidéo où ils nous expliquent leur projet.

Voilà en tout cas une revue qui a de la tenue. On lui souhaite longue vie et... passez le mot !


Pour vous procurer L'Indic :

Directement en librairie si vous habitez la région parisienne (Terminus polar - 1 rue Abel Rabaud, XIème) o
u nantaise (et non Bretagne comme c'est envisagé en ce moment... mais je m'égare ;-) )

Ou par correspondance, en écrivant à l'adresse suivante : Fondu Au Noir - 27 rue Anatole Le Braz - 44000 NANTES.
En n'oubliant pas de glisser dans votre courrier un chèque à l'ordre de l'association et d'un montant de 4 malheureux euros.
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