Tout commence avec la mort du petit Rogelio. Accident domestique ou infanticide ? Moqué par la presse, le commandant Ojeda s'empresse d'accuser la mère de l'enfant, dont la fragilité l'émeut par ailleurs, et lui donne l'idée d'écrire le grand roman dont il rêve depuis toujours. Non content de piller Pessoa, Flaubert ou Garcia Marquez, il décide tout bonnement, pour l'aider dans son entreprise, de faire kidnapper le poète mexicain et Prix Nobel de littérature Octavio Paz...
Moins subversif qu'impertinent, Apportez-moi (la tête d') Octavio Paz ne se prive cependant pas de pourfendre la corruption institutionnalisée et les connivences entre police, justice et médias.
Flics, avocats, journalistes, tous pataugent dans la même fosse à purin, torturant, falsifiant les preuves, fabriquant des coupables ou chassant le scoop juteux. Tournées en dérision, poussées jusqu'à l'absurde, leurs manigances et leur cupidité confinent au ridicule.
Tout n'est qu'imposture et leurre au Mexique de Federico Vite, y compris l'éminent Octavio Paz (un autre représentant de l'ordre établi, des Lettres celui-là), réduit ici au rôle d'un tartuffe s'octroyant indûment les mérites d'autrui et dont la fourberie n'a d'égal que son immense renommée.
Pour avoir osé déboulonner la statue du Commandeur, tous les exemplaires de Fisuras en el continente literario ont d'ailleurs été retirés des librairies mexicaines, sur la demande de la veuve du poète.
Pour finir, si ce bref roman (une centaine de pages) donne parfois l'impression d'une accumulation de scènes successives - mention spéciale à l'invasion d'un commissariat par une meute de chats ! -, ce n'est pas une raison suffisante pour se priver de cette mignardise, drôle et délicieusement caustique.
Conseil(s) d'accompagnement : dans Une saison de scorpions (chez le même éditeur), Bernardo Fernandez utilise sensiblement le même registre burlesque pour traiter des travers de la société mexicaine.
Apportez-moi Octavio Paz / Federico Vite (Fisuras en el continente literario, 2006, trad. de l'espagnol (Mexique) par Tania Campos. Moisson Rouge, 2011)