R&B, c'est un peu Ed McBain revu et corrigé par les Marx Brothers. Et s'il s'est certainement inspiré des enquêtes du 87ème district, Bruen rajoute quelques ingrédients de son cru : un brin de folie, un zeste de dérision et un goût pour la caricature poussé jusqu'à l'extrême.
Ses personnages de flics, par exemple, sont de vrais stéréotypes : hormis Roberts & Brant, on trouve un homosexuel, une Noire, un chef aussi stupide qu'exécrable... Original, non ?
Le truc, c'est que Bruen joue si bien de ces clichés qu'il nous amuse aussi, sans toutefois tomber dans la parodie ni se prendre trop au sérieux.
Et puis on se tord de rire à chaque page ou presque, sous les coups d'éclat-de folie-de sang des deux zigotos et les répliques savoureuses dont nous régale l'auteur.
Si Roberts est encore à moitié fréquentable, Brant a vraiment tout du sale enfoiré : un franc-tireur cynique, je-m'en-foutiste et misanthrope, à moitié véreux, qui terrorise autant ses collègues que les truands londoniens.
Mais encore une fois, Bruen retourne la situation à son avantage : oscillant entre le drôle et le féroce, il fait de Brant un être aussi méchant qu'attachant ; et qui s'avère un personnage plus complexe que ne le laisse paraitre au premier abord le bloc monolithique façonné sommairement par Bruen.
Côté intrigues, ça a tendance à s'amenuiser entre le premier et le dernier de la série, et c'est peut-être le danger qui guette l'auteur : négliger l'intrigue au profit des seuls personnages. On verra.
En attendant, les enquêtes sont autant de prétextes à foutre le bordel et à regarder ensuite ce petit monde s'agiter : rançonneurs amateurs poseurs de bombes, milice aryenne d'autodéfense, mouchards, petites frappes toutes pointures, hiérarchie excédée, et au milieu de tout ça nos deux compères Roberts & Brant, sortes de Starsky & Hutch passés du côté obscur de la Force.
Décapant, désopilant, politiquement incorrect ; voilà ce qui me vient à l'esprit à la lecture de R&B, qui peut évoquer des choses graves sans se prendre au sérieux. Ca a l'air simple mais c'est plus rare qu'on ne pense.
Alors, c'est sûr, si vous avez du mal à amortir le choc de la rentrée et la tristesse des jours raccourcisssant à vue d'oeil, plongez-vous dans R&B, ça devrait vous faire le plus grand bien.
Respectez tout de même la posologie : pas plus d'un Bruen/semaine, où vous pourriez ressembler dangereusement à Brant, humilier vos collègues, négliger votre femme et envoyer votre chef se faire f..... !
Vixen / Ken Bruen (Vixen, trad. de l'anglais (Irlande) par Daniel Lemoine. Gallimard, Série noire, 2008)
& Le Gros Coup (Gallimard, Série noire, 2004 ; rééd. Folio policier, 2005)