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5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 00:00

Voilà, Barack Obama vient d'être élu 44ème Président des Etats-Unis. Ca fait au moins une différence avec Australia Underground, dans lequel un républicain belliciste a remporté les élections américaines. Pourvu que ce soit bon signe et que l'avenir nous épargne la vision qu'en donne Andrew McGahan dans ce bon polar d'anticipation, bien rythmé et aux multiples rebondissements.


nullEt ça commence fort. 
Un typhon dévaste la côte australienne et un complexe touristique flambant neuf, au beau milieu duquel se trouve Leo James, la cinquantaine bedonnante, porté sur la bouteille et promoteur véreux qui a construit sa carrière en utilisant les réseaux de son Premier Ministre de frère.
Leo va passer une journée disons... éprouvante : à peine sorti de l'hôtel submergé par les flots, le voilà kidnappé par un groupuscule islamiste (au passage l'un des ravisseurs est... décapité !), avant d'être "sauvé" par la police militaire pour être finalement récupéré, comme un paquet de linge sale, par Australia Underground, un groupe clandestin luttant contre la dictature qu'est devenue l'Australie. Tout le monde s'intéresse à Leo James tout à coup, mais lui-même semble n'y rien comprendre...

Nous sommes en 2010, et ce sont des néo-conservateurs pur jus - au premier rang desquels le frère de Léo, qui l'a toujours détesté - qui dirigent le pays. Après le 11 septembre et surtout l'attentat terroriste qui a rayé de la carte la capitale Canberra, les lois sécuritaires se sont multipliées : enfermement des  musulmans dans des "enclaves culturelles" ceintes de miradors, pouvoir accru des forces de police et de l'armée, restriction des libertés individuelles ; nationalisme exacerbé, groupes patriotes, sentiment anti-musulman, surveillance accrue, paranoïa collective... N'en jetez plus !

J'avoue que les premières pages m'ont laissé perplexe. Des terroristes islamistes, des situations rocambolesques, un personnage vite ébauché dont les malheurs ne nous intéressent pas vraiment... Je craignai que le récit éclate en tous sens, dans un délire sans queue ni tête, ou pire, illustre ce concept douteux de "guerre des civilisations".
Mais ces craintes se sont vite dissipées. S'il part à toute vitesse, McGahan négocie bien les premiers virages de son intrigue et parvient ensuite sans mal à nous entrainer dans le sillage du pauvre Leo - qui gagne peu peu en épaisseur, bien qu'on entende trop souvent l'auteur lui-même discourir à sa place -, et à nous immerger en plein cauchemar.

Un cauchemar d'autant plus effrayant que le monde qu'il décrit, s'il est encore éloigné du nôtre, pourrait y ressembler un jour et que, par certains aspects, c'est déjà le cas !
Le parrallèle avec les Etats-Unis est flagrant, bien-sûr, qui ont voté la loi du Patriot Act juste après le 11/09, avec comme objectif de lutter plus efficacement contre le terrorisme, mais qui a aussi porté de sérieux coups à la liberté d'expression et d'opinion et au respect de la vie privée. Cela dit, pas la peine de traverser l'Atlantique pour trouver des signes de repli sur soi, de méfiance de l'étranger, de fierté nationale mal placée : il suffit d'avoir un Ministère de l'immigration ET de l'identité nationale. Sans compter ces fameux tests ADN qui ont soulevé la polémique il y a quelques mois, et qui ne sont pas sans rappeler les "tests de citoyenneté" évoqués dans le roman.
Bref, McGahan force le trait, extrapole, mais on a déjà goûté à certains des ingrédients qu'il utilise dans ce roman qui sonne comme un avertissement.

 Voici un des postulats qui a servi à la mise en place du nouveau régime décrit dans le roman :
"... quand les gens sont obligés de rogner sur tout pour financer leurs études, au moins ils ne perdent pas leur temps à manifester, à protester et à semer le désordre une fois en fac. Même chose pour les allocs : si elles étaient moins faciles à obtenir (...), les chômeurs remueraient ciel et terre pour trouver du boulot, comme il se doit. Quant à la sécu, eh bien, franchement, les traitements médicaux les plus avancés coûtaient une fortune, alors si cela signifiait que les meilleurs soins n'étaient accessibles qu'aux riches, soit, ce serait une motivation supplémentaire pour pousser la population à s'enrichir. Le secteur privé, l'utilisateur-payeur, c'était le principe." 

Pourvu que McGahan ne soit pas visionnaire...


Australia Underground
/ Andrew McGahan (Underground, 2006, trad. de l'anglais (Australie) par Laurent Bury. Actes Sud, coll. actes noirs, 2008)

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