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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 00:00

Avec deux romans traduits en France, l'irlandais Sam Millar a déjà trouvé nombre d'échos favorables parmi les fans de polar. Pour ma part, j'ai peur de ne pas joindre ma voix au concert de louanges, en tout cas en ce qui concerne Redemption factory.


Redemption factoryLe roman s'ouvre sur une scène terrible, le calvaire d'un militant de l'IRA accusé de trahison et séquestré par ses pairs. Il n'en réchappera pas. 

Vingt ans ont passé. On fait connaisance avec son fils, Paul Goodman. Parce qu'il doit absolument trouver du boulot, ce dernier se présente aux abattoirs de la ville, dirigées par Shank, imposant bonhomme de sinistre réputation et obsédé par l'oeuvre de William Blake.

L'endroit est d'"une horreur à couper le souffle, comme une chapelle Sixtine ensanglantée par des barbares bouillonants de rage dans une hideuse frénésie".

Après avoir réussi son examen de passage (et quel examen...), il est engagé et se fait tant bien que mal au boulot, essayant d'éviter l'inquiétante Violet et au contraire d'approcher Geordie, la jeune femme aux jambes arnachées de métal qui règne sur l'équipe des bouchers.
Paul n'a pas l'intention de passer sa vie à découper de la bidoche, et il compte sur le snooker - une variante du billard - pour le tirer de là.  Encore faut-il qu'il soit repéré lors d'un tournoi. En attendant, il passe tous ses moments libres à jouer, en compagnie de son pote d'enfance Lucky.
C'est en allant acheter une queue de billard qu'il fait la connaissance de Philip Kennedy, qui se montre étonnament généreux avec lui. Comme s'il voulait se racheter d'un ancien pêché. 




Une atmosphère menaçante et poisseuse peuplée de sadiques sanguinaires : Redemption factory pouvait naturellement prétendre à faire grimper notre taux d'adrénaline, mais ressemble finalement à un mauvais film d'épouvante, d'autant plus que les scènes gore ont tendance à désamorcer la tension déjà faible.

C'est d'autant plus dommageable qu'il faut attendre la moitié du récit avant qu'il ne passe quelque chose de véritablement intéressant, à savoir la relation naissante entre Paul et Geordie, qui donne un peu d'humanité à cet univers lugubre et sans espoir, qui donne aussi du contraste et par conséquent une autre dimension à l'intrigue. Mais le souffle retombe, imperceptiblement, dans ce roman sans réelle densité et qui, surtout, ne parvient jamais à exploiter le thème pourtant central de la rédemption, à le transcender ; la charge émotionnelle reste inoffensive.

Enfin, j'ai le sentiment que l'auteur hésite sans cesse entre différents registres - farce macabre, réalisme, conte gothique -, et le tout donne un patchwork parfois décousu, des motifs et des évocations auxquels je n'ai guère été sensible. 


Tout n'est pas raté pour autant, on a droit à quelques scènes marquantes (sacré bain de sang...), et Sam Millar parvient à nous accrocher malgré tout, grâce au rythme qu'il imprime au récit et aux métaphores qui le colorent agréablement - bien que certaines laissent perplexe ("Lucky poussa un cri terrifiant, comme celui d'un chien que l'on coupe en deux."), et que les "comme" et "comme si" polluent les premiers chapitres.

Si bien qu'on se laisse porter sans déplaisir jusqu'au dénouement - par ailleurs assez prévisible, mais c'est peu, trop peu à mon goût pour sauver ce roman.

Allez plutôt voir du côté de Jack O'Connell pour l'aspect gothique, de J.C.Ballard pour le bizarre, de Ted Lewis pour le climat de violence âpre. 


Allez aussi voir du côté de Jean-Marc et Cynic, pour les avis contradictoires.



Redemption factory / Sam Millar (Redemption factory, 2005, trad. de l'anglais (Irlande) par Patrick Raynal. Fayard Noir, 2010)

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commentaires

C
<br /> allez, je prends le parti de Jeanjean, le début est frappant, on sent effectivement une tension dans cet abattoir qui - belle référence - fait penser à du Jack O'Connell, mais ensuite, c'est<br /> exactement ce que dit Jeanjean, on ne sait sur quel pied danser, on change régulièrement de registre, le très bon côtoie le banal et il enfile quand même quelques clichés avec sa galerie de<br /> personnages (la grosse exécrable qui ne sort plus de son lit, la folle sadique qui aime tuer…). A l’arrivée, sentiment mi figue mi raisin (mi sang plutôt) et un regret car le livre aurait pu être<br /> beaucoup plus percutant…<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Rien à ajouter. Je lirai son premier, à l'occasion, pour voir si j'ai la même impression d'inachevé.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> "... un cri terrifiant comme celui d'un chien que l'on coupe en deux..." Oui mais tout dépend du chien ( celui de ma voisine du dessous, un infâme Yorkshire, son "cri" d'agonie serait plutôt doux à<br /> mes oreilles !!! ) Haha rien que pour cette phrase ça me donne envie d'envisager de le lire.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> ^^ Tu peux peut-être louer un pit-bull pour quelques heures...<br /> Je t'envoie le bouquin si tu veux.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Pas d'accord du tout tu t'en doutes...Je trouve qu'il laisse justement le loisir d'aborder son roman sous différents angles. Le début est quand même bon, les scènes dans l'abattoir excellentes,<br /> celle de la forêt plutôt frappante,etc...Seule la fin me laisse un sentiment que ça aurait pu être bien mieux. En tout cas: vive les divergences et merci pour le rétro lien<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Le prologue est très bon, et le début prometteur, et puis...<br /> Les scènes de l'abattoir, de la forêt, je suis d'accord, mais elles ne suffisent à mon sens à donner une vraie densité au roman. Je trouve l'écriture assez inégale aussi, d'un côté des<br /> phrases et des images très bien travaillées et qui font mouche, de l'autre des passages lourds, verbeux. <br /> Intéressante en tout cas, la façon très différente dont on peut percevoir un roman. @+<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Belle couv' !<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> saignante...<br /> <br /> <br /> <br />

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