Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 21:18

Vous allez dire que je fais ma mauvaise tête, mais là j'ai aucune envie de sacrifier à la tradition du bilan de fin d'année, du best of, du podium, du tops & flops... (ça m'évite aussi d'avoir à me triturer les méninges...)

Ou alors rien qu'une p'tite sélection, allez, mais seulement pour vous rabattre les oreilles avec quelques bouquins passés relativement, voire complètement inaperçus et qui méritaient sûrement mieux. Alors je profite de l'occasion pour en remettre une couche, pourrez pas dire qu'z'étiez pas prévenus !


Si vous aimez le polar nordique mais en avez marre de vous geler les miches, optez pour Cuba et partez A la recherche d'Hemingway en compagnie du danois Leif Davidsen.

Si vous aimez Chandler et le hard-boiled, sautez sur Rumba d'Alberto Ongaro.

Si vous n'avez rien contre le jazz, les québécois et les cerfs albinos : Lazy Bird d'Andrée Michaud. 

Si vous vous demandez si Le Caravage se servait vraiment de cadavres comme modèles :  Le Jugement de Salomon de Patrick Weiller.

Si vous ne vous rappelez plus du son de votre propre rire, Otis Lee Crenshaw contre la société de Rich Hall devrait vite remédier à ça.



Voilà voilà, et avec un peu d'avance je vous souhaite à toutes et à tous une belle année 2011 !

Partager cet article
Repost0
28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 00:00

Les Villas rouges d'Anne Secret. On m'en avait dit le plus grand bien, notamment Marc Villard, qui signe d'ailleurs la 4ème de couverture de ce court roman paru l'année dernière.


Les villas rougesFin des années 80. En plein Paris, une évasion spectaculaire d'un activiste allemand, libéré par un commando lors d'un transfert pénitentiaire. (On pense à la Bande à Baader). Fusillade, un mort parmi les policiers.

Parmi eux, Kyra. Une ancienne professeure de Lettres, amoureuse d'Udo. La fuite s'organise, les membres s'éparpillent. Mise au vert dans une station balnéaire désertée. C'est l'hiver. Une planque dans une villa de bord de mer. Les jours passent, incolores. Puis un complice est arrêté. Udo, lui, s'est volatilisé.

Kyra entre alors en clandestinité. On suit son quotidien précaire et mouvant, de la Baie de Somme au Luxembourg, de Paris à Knokke-le-Zoute, de Bruges à Hambourg... Une géographie de l'errance. Des points de chute pour une vie en suspension.

Il s'agit moins d'une cavale qu'une dérive intérieure : son amant absent, sans orbite, plus rien n'arrime la jeune femme à la réalité, sinon quelques vagues connaissances, articles de journaux, et l'envie de retrouver Udo.


La peur d'être prise la surprend parfois, mais ce sont surtout l'indolence et l'ennui qui l'enveloppent, assourdissant le bruit du monde.
"J'attends". Le premier mot du roman, annonce la couleur : il ne s'y passe pas grand-chose, sinon une litanie de souvenirs, de gestes banals et de lieux presque indistincts, dont les détails architecturaux ("villas néonormandes", "bas-reliefs Arts déco"...) accentuent paradoxalement le manque de perspectives de la narratrice.

Un roman d'atmosphère, comme on dit, qui n'est pas sans rappeler ceux de Patrick Modiano, dans l'évocation d'un passé à la fois vaporeux et tellement prégnant.


Directe, voire abrupte, l'écriture d'Anne Secret est factuelle, dénuée de toute ornementation, comme poncée jusqu'à laisser apparaître la matière brute (sans "afféteries stylistiques" ni "pathos encombrant" souligne Marc Villard).

Certains s'ennuieront peut-être, sevrés d'action et de rebondissements, frustrés par le manque de réponses, décontenancés par l'étendue morne et sans relief apparent de cette fuite en avant.

Personnellement j'ai toujours eu un faible pour les taiseux, et le roman d'Anne Secret est beau comme le silence.


Les Villas rouges / Anne Secret (Seuil, Roman noir, 2009)

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2010 6 18 /12 /décembre /2010 00:00

Je profite de l'accalmie éditoriale de décembre pour jeter un oeil dans le rétro et sur quelques romans qui m'avaient échappé ces derniers temps.

Je commence donc par Flandre noire de Gilles Warembourg, édité en 2008 dans la collection Polars en nord chez Ravet-Anceau, qu'il serait dommage de réduire à une collection régionaliste qui n'intéresserait que les ch'tis. La preuve ici.


L Flandrenoire couvAprès trois années de captivité à Auschwitz-Birkenau, où il a été déporté comme prisonnier politique, Georges Liévin, l'instituteur du village de Neu-Cappel, rentre chez lui. Cet homme qui toute sa vie a cru "à la culture, à la philosophie, à la médecine", cet humaniste ardent qui enseignait aux enfants "les vertus de la civilisation et de l'ordre", a vu s'effondrer tous ses idéaux, ses certitudes, sa foi en l'homme.

Les habitants fêtent son retour lors d'un banquet dégoûlinant de victuailles, de fausse sollicitude ou d'ignorance - ça n'a pas dû être drôle dans les camps de travail. Comment expliquer ça sans passer pour un menteur ou un fou ?

La dévouée Marceline et sa foi, la femme du maire et sa langue bien pendue, les Richart et leurs terres, les anciens élèves - Hervé et son uniforme, Jean et son désespoir, depuis qu'une balle allemande lui a volé ses jambes : quelques-uns des personnages d'un échantillon d'humanité qui va bientôt voler en éclats suite à un meurtre.
Un meurtre bien mystérieux sur lequel vont ridiculement buter les forces de l'ordre. Comme la folie des hommes n'a d'égale que leur bêtise...


Sans vous dévoiler ses ressorts, sachez que l'intrigue policière n'est pas un simple élément récréatif mais sert aussi, disons de caisse de résonnance à la réflexion philosophique.

Hier, das ist nicht warum.
Une réflexion en forme de quête spirituelle, au fil des interrogations philosophiques de l'instituteur-narrateur, obsédé par la question de la nature du mal. Pour trouver la réponse, pour honorer la promesse implicite faite à Nadia et Sofia, pauvres créatures croisées dans les Lager, il convoque les esprits, Kant, Shopenhauer, Rousseau, Leibniz, Spinoza, Montaigne.... Mais après de telles atrocités, les livres sont inutiles et les discours stériles. Quant au ciel, il est définitivement vide.

Le mal ne plane pas seulement sur la plaine d'Auschwitz, mais aussi sur celle de Flandre, dans ce village qui suinte de ragots fielleux, de petites haines, de rancunes tenaces. La mal absolu a fait place au mal ordinaire, mais c'est toujours le mal, latent, dans ce petit monde cancanier, bigot, hypocrite, sournois, pingre, méchant...



Remarquable de maîtrise et de densité, Flandre noire se distingue par une langue précise et toute en finesse qui parvient à saisir la complexité de la nature humaine, jusque dans son extrême laideur ; une langue soutenue, parfois exigeante, et riche sans être précieuse.


Merci à la libraire de Terminus Polar pour le conseil. 


Flandre noire / Gilles Warembourg (Ravet-Anceau, polars en nord, 2008)

Partager cet article
Repost0
14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 00:00

Avec deux romans traduits en France, l'irlandais Sam Millar a déjà trouvé nombre d'échos favorables parmi les fans de polar. Pour ma part, j'ai peur de ne pas joindre ma voix au concert de louanges, en tout cas en ce qui concerne Redemption factory.


Redemption factoryLe roman s'ouvre sur une scène terrible, le calvaire d'un militant de l'IRA accusé de trahison et séquestré par ses pairs. Il n'en réchappera pas. 

Vingt ans ont passé. On fait connaisance avec son fils, Paul Goodman. Parce qu'il doit absolument trouver du boulot, ce dernier se présente aux abattoirs de la ville, dirigées par Shank, imposant bonhomme de sinistre réputation et obsédé par l'oeuvre de William Blake.

L'endroit est d'"une horreur à couper le souffle, comme une chapelle Sixtine ensanglantée par des barbares bouillonants de rage dans une hideuse frénésie".

Après avoir réussi son examen de passage (et quel examen...), il est engagé et se fait tant bien que mal au boulot, essayant d'éviter l'inquiétante Violet et au contraire d'approcher Geordie, la jeune femme aux jambes arnachées de métal qui règne sur l'équipe des bouchers.
Paul n'a pas l'intention de passer sa vie à découper de la bidoche, et il compte sur le snooker - une variante du billard - pour le tirer de là.  Encore faut-il qu'il soit repéré lors d'un tournoi. En attendant, il passe tous ses moments libres à jouer, en compagnie de son pote d'enfance Lucky.
C'est en allant acheter une queue de billard qu'il fait la connaissance de Philip Kennedy, qui se montre étonnament généreux avec lui. Comme s'il voulait se racheter d'un ancien pêché. 




Une atmosphère menaçante et poisseuse peuplée de sadiques sanguinaires : Redemption factory pouvait naturellement prétendre à faire grimper notre taux d'adrénaline, mais ressemble finalement à un mauvais film d'épouvante, d'autant plus que les scènes gore ont tendance à désamorcer la tension déjà faible.

C'est d'autant plus dommageable qu'il faut attendre la moitié du récit avant qu'il ne passe quelque chose de véritablement intéressant, à savoir la relation naissante entre Paul et Geordie, qui donne un peu d'humanité à cet univers lugubre et sans espoir, qui donne aussi du contraste et par conséquent une autre dimension à l'intrigue. Mais le souffle retombe, imperceptiblement, dans ce roman sans réelle densité et qui, surtout, ne parvient jamais à exploiter le thème pourtant central de la rédemption, à le transcender ; la charge émotionnelle reste inoffensive.

Enfin, j'ai le sentiment que l'auteur hésite sans cesse entre différents registres - farce macabre, réalisme, conte gothique -, et le tout donne un patchwork parfois décousu, des motifs et des évocations auxquels je n'ai guère été sensible. 


Tout n'est pas raté pour autant, on a droit à quelques scènes marquantes (sacré bain de sang...), et Sam Millar parvient à nous accrocher malgré tout, grâce au rythme qu'il imprime au récit et aux métaphores qui le colorent agréablement - bien que certaines laissent perplexe ("Lucky poussa un cri terrifiant, comme celui d'un chien que l'on coupe en deux."), et que les "comme" et "comme si" polluent les premiers chapitres.

Si bien qu'on se laisse porter sans déplaisir jusqu'au dénouement - par ailleurs assez prévisible, mais c'est peu, trop peu à mon goût pour sauver ce roman.

Allez plutôt voir du côté de Jack O'Connell pour l'aspect gothique, de J.C.Ballard pour le bizarre, de Ted Lewis pour le climat de violence âpre. 


Allez aussi voir du côté de Jean-Marc et Cynic, pour les avis contradictoires.



Redemption factory / Sam Millar (Redemption factory, 2005, trad. de l'anglais (Irlande) par Patrick Raynal. Fayard Noir, 2010)

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 00:00

Question pour pas un rond :

Top ! né à Paris en 1898 d'une mère luxembourgeoise et d'un père russe, je décide très jeune de devenir écrivain - après avoir achevé mes études en Angleterre et vécu un temps en Autriche, je rentre à Paris en 1923 puis publie l'année suivante une nouvelle intitulée Le crime d'une nuit, qui attire l'attention de Colette - c'est à elle que je confie le manuscrit de Mes amis, roman immédiatement salué par la critique et qui marque le début d'une oeuvre prolifique et considérée avant-gardiste qui fait de moi l'un des principaux écrivains de l'entre-deux-guerres, salué entre autres par Max Jacob, Rilke ou Sacha Guitry - démobilisé en juillet 40 et refusant toute publication durant l'Occupation, je rejoins Alger en 1942, où j'écris mes trois derniers romans et entre au Comité national des écrivains - rentré en France en 1944, je meurs l'année suivante des suites d'une maladie infectieuse - né Emmanuel Bobovnikoff, également connu sous les pseudonymes de Jean Vallois et Pierre Dugast, je suis... je suis...

Si vous avez trouvé, vous êtes fortiche, parce qu'Emmanuel Bove n'est plus guère lu aujourd'hui, même si ses textes sont régulièrement réédités. Le dernier en date est un roman policier, genre auquel il s'essaya brièvement en 1933 en publiant La Toque de Breitschwanz (connu aussi sous le titre La fiancée du violoniste), et Le meurtre de Suzy Pommier, court roman dont il est question ici.


Suzy PommierSuzy Pommier, une actrice en vogue, est retrouvée morte dans sa baignoire à son domicile parisien, dans les mêmes circonstances que le personnage qu'elle jouait dans son dernier film, une chanteuse de cabaret tuée par son amant.

La veille, durant la première représentation du film, le public choqué par la scène du meurtre, l'avait violemment pris à parti. Un spectateur l'a t-il suivie jusque chez elle ? Ou bien faut-il chercher parmi les nombreux courtisans de la vedette ?

Par un concours de circonstances, l'enquête échoue à l'inspecteur Hector Mancelle, habituellement confiné aux vérifications de registres d'hôtels. Intrépide, plein d'abnégation, l'esprit vif, le jeune inspecteur va résoudre à lui seul le mystère, ridiculisant au passage son chef et se couvrant de gloire.



Paris, l'étude de moeurs, les différents milieux sociaux : on retrouve ici un univers proche de celui de Simenon, comme le souligne justement l'intéressante préface signée Bruno Lopat, qui évoque par ailleurs l'édition au tournant des années 30, le coup médiatique de Simenon pour promouvoir ses premiers Maigret (on faisait déjà dans l'événementiel), et l'incroyable succès du roman policier à cette époque, porté par Le Masque et les auteurs anglo-saxons, Agatha Christie et Ellery Queen en tête.

S'il s'inscrit dans cette veine du roman d'énigme - à la fin tout est bien qui finit bien, le criminel est puni, l'ordre rétabli - Le meurtre de Suzy Pommier se distingue cependant par une certaine acuité dans l'exploration des sentiments humains, au premier rang desquelles la misère morale, la culpabilité, le remord.

Enfin, malgré (grâce ?) des personnages désincarnés et dénués de toute ambiguïté psychologique (le jeune inspecteur sans peur et sans reproches fait sourire aujourd'hui), et un style parfois compassé, l'ensemble ne manque pas de charme.



Une curiosité.


Le meurtre de Suzy Pommier / Emmanuel Bove (Manucius, Le Policier, 2010)

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 15:17

Décidément, on cause téléchargement en ce moment. Cette fois, c'est une nouvelle de Craig Johnson qu'on peut télécharger gratuitement (ben oui, c'est Noël !) sur le site des éditions Gallmeister (si vous êtes libraire ou débrouillard, vous pouvez vous procurer le livret édité à cette occasion).

Johnson Un vieux trucCeux qui ont déjà lu les romans de l'homme au stetson retrouveront dans Un vieux truc indien ce bon vieux shérif ainsi que Lonnie Little Bird. Alors que les deux hommes s'arrêtent au Blues Cow Café pour manger un morceau avant de reprendre la route, ils trouvent les employés planqués derrière le comptoir. Puis... Je m'arrête là. Sachez seulement que les vieux sages indiens n'ont pas forcément besoin des Esprits pour résoudre une affaire...

Ah, une fois que vous aurez terminé votre lecture, continuez donc de faire défiler les pages, puisqu'on a aussi droit à un large extrait d'Un indien blanc, prochain volet de la série Walt Longmire, après Little Bird et Le camp des morts. On dirait qu'il va délaisser cette fois les montagnes du Wyoming pour les buildings de la grande ville. On en saura plus en avril prochain.


Partager cet article
Repost0
7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 00:00

Un chien sur la couverture du livre de Gonzalez Ledesma, un autre ici : je vais peut-être me spécialiser dans le "polar canin", tiens...  Toujours est-il que ce roman de l'américain Michael Lewin (réédité dans une nouvelle traduction) a de quoi égayer nos neigeuses/pluvieuses/venteuses journées d'automne.



couv lewinBien qu'il soit à la rue, Jan Moro préfére se définir comme un auto-entrepreneur. La fortune lui sourira un jour, c'est certain, suffit de rester positif et de s'adresser à la bonne personne. Tiens, justement, y a ce Billy Cigar rencontré dans un bar et qu'a l'air plein aux as, lui pourrait peut-être financer ses projets. Je ne vous ai pas dit : Moro a tout pleins d'idées qui vont lui rapporter un paquet de fric, il en est persuadé : un masque pour fumeurs ou un déodorant pour vêtements, par exemple...


En attendant, pas question de se laisser aller. Moro prend soin de son hygiène, il est organisé (il s'est aménagé des cachettes aux quatre coins d'Indianapolis), méticuleux, voit toujours les choses du bon côté, et surtout, il se tient
peinard et à l'écart des ennuis. Pour avoir goûté une fois à la prison, il n'a aucune envie d'y retourner. Ça fait d'ailleurs partie des choses auxquelles il n'aime pas trop penser, avec l'histoire de son père et puis cet "incident" quand il avait 13 ans...

Mais voilà qu'un soir, alors qu'il se trouve dans la cabane du champ de foire où il a élu domicile, il voit arriver des camions. A l'intérieur : des cages remplies de chiots et des types à moitié dingues qu'ont aucune envie de le voir traîner dans leurs pattes.
Une belle frousse plus tard, Moro s'en va voir les flics pour vendre ses infos. Le voilà devenu indic, et justement chargé de surveiller... Billy Cigar, qui s'avère être un gros caïd de la ville, qui s'est enrichi après une virée aussi fructueuse que sanglante quelque part en Amérique du Sud.



On a beau être malin, faut faire gaffe à sa couenne quand on bouffe à tous les râteliers, surtout quand on ne sait plus distinguer les amis des ennemis. Des flics déguisés en truands, des truands déguisés en flics, des truands déguisés en truands, et ce pauvre Moro au beau milieu de la meute ! 


Une histoire joliment emberlificotée, du rythme, de l'humour (quelques histoires de comptoirs en prime), et derrière la farce, un ton caustique et quelques vérités sur ce bon vieux rêve américain.

Raconté à la première personne, Les chiens sont mes amis vaut aussi et surtout pour le personnage de Moro, une calamité ambulante dont la candeur atteint des sommets inégalés (à ces hauteurs, ça tient du livre des records...), un petit bonhomme complètement ahuri, aussi poltron qu'audacieux, aussi désarmant qu'attachant, bref un spécimen rare qui mérite le détour à lui tout seul.



Les chiens sont mes amis / Michael Z. Lewin (Underdog, 1993, trad. de l'anglais (Etats-Unis) revue et corrigée par Frank Reichert. L'Atalante, 2001, sous le titre Lumpen ; Alphée, Outside Thriller, 2010)

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 18:59

Carnet roseL'initiative est intéressante, je relaie l'information ici : Bernard Strainchamps, "libraire en ligne" de Bibliosurf et ancien initiateur de Mauvais genres, s'occupe désormais d'une nouvelle collection dédiée au noir, sur le site Publie.net, et intitulée... Mauvais genres

Vous l'avez compris, il est question d'édition numérique. Les premiers auteurs "publiés" ne sont pas tombés de la dernière pluie, puisqu'il s'agit de Dominique Manotti (Carnet rose) et Marc Villard (Petite mort sortie Rambuteau, texte paru initialement aux éditions Autrement en 2004).

Les nouvelles sont téléchargeables au prix de 2,99€.


Partager cet article
Repost0
30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 00:00

Comme c'est la première fois que je parle de Francisco González Ledesma ici, je vous préviens, je risque d'être un peu plus bavard que d'habitude.

Si vous ne connaissez pas encore cet immense auteur, sachez que le bonhomme a 80 ans tassés et une vingtaine de romans noirs au compteur. Un Vieux de la vieille, comme ses "collègues" italiens Camilleri ou Macchiavelli, avec lesquels il partage d'ailleurs un personnage de flic franchement atypique.  

Le sien s'appelle Méndez. Pour vous donner une idée de l'énergumène, il me suffit (pratique...) de citer l'incontournable dictionnaire des littératures policières : "Le personnage de Ricardo Mendez est un mélange de quatre policiers qu'a connu l'auteur : un garde du corps du Capitaine général qui "oubliait" toujours son arme chez lui, un policier qui, pour arrêter les délinquants, brandissait sa plaque sous leur nez, un autre policier qui n'utilisait qu'une arme chargée à blanc et de petits cailloux qu'il lançait dans le dos de ceux qu'il poursuivait, et, enfin, un haut fonctionnaire de la sécurité qui a confié à Francisco Gonzàlez Ledesma toutes ses désillusions et ses échecs."

Le tout donne Méndez, un flic toujours au bord de la retraite, qui répugne à arrêter quiconque, n'en fait qu'à sa tête (et à son flair) et désobéit constamment à une hiérarchie définitivement blasée.



Mourir deux fois - Gonzalez LedesmaUn ex-taulard engagé comme tueur à gages se rend compte que sa cible n'est pas celle qu'il croyait ; une fiancée tue son promis d'un coup de pistolet le jour des noces ; une gamine trisomique est louée comme eslave sexuelle.

Voilà les quelques fils qui composent le roman et que doit démêler notre inspecteur, même si le commissaire Monterde prend soin de ne surtout rien lui demander ! Sauf que Méndez, comme à son habitude, fait ce qui lui chante et se met à fouiner, à sa manière, en flânant dans les rues, en regardant les gens. Tant qu'il ne touche pas à un ordinateur ou à son portable, tant qu'il ne suit pas les procédures et respire l'air vicié des rues, il est à son aise. Mais cette fois, il va tomber sur un adversaire particulièrement coriace.




Epargnons-nous les développements et les rebondissements de l'histoire, sachez seulement qu'on ne s'ennuie pas une seconde. Suspense savamment dosé, retournements de situation, intrigues habilement entremêlées, découpage du récit en courts chapitres. Autant d'ingrédients qui devraient plaire aux monomaniaques de thriller, d'ailleurs (ceux du procedural par contre, risquent d'en être pour leur frais).


Voilà pour la mécanique. Passons à l'essentiel : comme avec quelques autres, on lit d'abord González Ledesma pour faire une rencontre ; pour s'interroger, pour s'esclaffer, pour se souvenir d'une époque et d'endroits qu'on n'a pourtant jamais connus, pour emprunter quelques heures la vision du monde d'un grand écrivain, et le regard à la fois tendre et acéré qu'un Méndez pose sur son temps et ses contemporains.



"Il faut toujours quelqu'un qui se souvienne"
Ça fait toujours plaisir de retrouver Méndez, son humanité, sa compassion pour les éternelles victimes, à commencer par les femmes et les enfants, son doux cynisme, ses écarts de langage, son attachement viscéral au passé. Lui l'ami des chiens errants et des prostituées à la retraite, Lui le reliquat et le témoin d'une époque révolue, celles des espérances collectives, celle des quartiers populaires et turbulents, des ouvriers passés on ne sait où et des quartiers industriels rasés et remplacés depuis par des quartiers d'affaires.

Il ne faut pas mourir deux fois, dit-il à la jeune femme meurtrière autant que victime. Ne pas ajouter l'oubli à la mort. La mémoire, thème central chez González Ledesma. La mémoire des lieux et de Barcelone en particulier, des disparus, des vieilles rues et des murs sur lesquels glissent les ombres des vieillards ou des souvenirs.


Et puis on retrouve aussi ce style gouleyant et plein d'humour (du pince-sans-rire au grivois en passsant par le comique de répétition), cette faculté de poser le décor en quelques mots, sans oublier cette joyeuse manie de balancer un juron juste après une phrase savamment ornementée.



Alors, si vous n'avez pas encore "rencontré" González Ledesma ni Méndez, il est temps de vous y mettre. Le recueil de nouvelles justement intitulé Mendez peut être un bon début.
Pour les autres, la balade continue, toujours pleine de charme et d'intérêt.



Une dernière chose. Les romans de l'espagnol sont toujours truffés de saillies diverses et variées, en voici quelques-unes :

"Plus le capitalisme restreint ses dépenses et tire profit de l'indigence d'autrui, plus il croît et suscite l'admiration."

"Il sert essentiellement à acquérir du pouvoir. L'argent permet de bâtir des empires ; si l'on n'a pas d'argent, on ne peut qu'ériger des barricades."

Moins politique...
"Le jour où on ouvrira un musée des fils de pute, il aura son portrait dans l'entrée. Ce genre de mec a un avis de recherche épinglé sur la bite."




Il ne faut pas mourir deux fois / Francisco González Ledesma (No hay que morir dos veces, 2009, trad. de l'espagnol par Christophe Josse. L'Atalante, Insomniaques & ferroviaires, 2010)

Partager cet article
Repost0
27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 11:45

Chaque année, dans le cadre du festival du roman noir de Lamballe, l'association La Fureur du noir et la médiathèque de l'Ic à Pordic (qui abrite la Noiraude, un fonds spécialisé dédié aux nouvelles noires et francophones) organisent conjointement un concours de nouvelles.

De ce concours naît un livre, où sont donc rassemblés les textes des cinq lauréats "amateurs" ainsi - c'est là que c'est original - que ceux de cinq auteurs confirmés.
Thème retenu cette année : Y'a pas de sots métiers !


Y a pas de sots métiersOn y rencontre notamment un apprenti-maçon, un policier municipal, un plumitif, un gamin, un pêcheur noir, une accompagnatrice de fin de vie, enfin à sa façon...

Si les "pros" font le boulot, comme Francis Mizio - qui nous rappelle que le travail c'est pas forcément la santé, ou alors la Santé -, Joseph Incardona qui nous ramène en Louisiane au début des années 60, ou Emmanuelle Urien, dont le sens de la concision et du mot juste m'ont encore impressionné, je dois dire que ce sont les nouvelles "amateures" qui m'ont le plus emballé. Toutes d'ailleurs.


Un sommetier, ça n'existe pas, sauf dans l'histoire de Philippe Delaoutre. Y a ce type, à qui on a volé sa vie, sa femme, qu'a les vertèbres en compote et ce drôle de boulot au Pic du Midi ; surveiller la montagne et secourir les imprudents. Ou pas. L'ivresse des hauteurs, peut-être...

L'Equationniste de Jérôme Picot, un drôle de bonhomme celui-là, qui pose le monde en équations et prépare minutieusement son coup. 2 et 2 font quatre, et un flic finaud a compris. A votre avis, il va se soustraire à la Justice ?

Claque quarante
de Dom Roy, c'est la courte histoire de Vincent, qui dort dans sa bagnole toutes les nuits, toujours au même endroit, pour garder au chaud et pour 5 euros une place de stationnement pour Maresquier le financier pressé. Une chute fracassante.


La Marguerite de Annick Demouzon, qu'on appelle toujours parce qu'elle sait y faire, elle, dans ce genre de situations, et qu'a encore de bonnes jambes et qui marche volontiers pour se rendre en ville, faire un tour au cimetière, s'offrir quelques gourmandises, et aider son prochain...

L'odeur de cuir de Cyrille Aubry, c'est celle des gants de boxe que frotte et cire le gamin dans sa salle de boxe, entre un père alcoolo, un boxeur trop fier et cette fabuleuse fille qui lui donne des bonbons en échange de quelques services bien innocents.



Aucun doute, l'édition 2010 est réussie - homogène aussi. On sent que les auteurs bénéficient d'une grande liberté malgré le thème imposé, et qu'ils ont mis du coeur à l'ouvrage. Et puis on découvre aussi de nouvelles plumes, d'autant plus prometteuses quand on connaît le toujours délicat exercice de la nouvelle, qui n'admet pas l'à-peu-près et exige de cent fois sur le métier remettre son ouvrage...



Y'a pas de sots métiers ! / nouvelles de Cyrille Aubry, Michel Chevron, Philippe Delaoutre, Annick Demouzon, Pascale Fonteneau, Joseph Incardona, Francis Mizio, Dom Roy et Emmanuelle Urien ; coordonné par Frédéric Prilleux (Terre de Brume, Granit noir, 2010)

Partager cet article
Repost0

Rechercher